La Meuse 15 novembre 2024
Raoul Hedebouw (PTB) brise le silence : « Les coalitions de gauche vont se multiplier et ça fait peur à Georges-Louis Bouchez »
Raoul Hedebouw est de retour ! Le charismatique président national du PTB ne s’était plus exprimé au niveau politique depuis les élections. Le Liégeois voulait donner toutes les chances à son parti d’intégrer des majorités. Mission accomplie.
Interview exclusive
Par Gaspard Grosjean
Rédacteur en chef adjoint de SudinfoPublié le 14/11/2024 à 18:43
Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas. Raoul Hedebouw, qui a pourtant le verbe fort et la parole aisée, n’a plus fait le moindre commentaire politique depuis les élections du 13 octobre. Plutôt inhabituel dans le chef de l’intéressé. Le Liégeois s’était astreint le silence le plus absolu pour ne pas faire capoter des négociations entre son parti et les autres formations de gauche que sont PS et Écolo. Avec un certain succès.
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Un tel silence dans votre chef, c’est très rare. Pourquoi ?
Je voulais laisser vraiment le temps, dans les sections locales, de négocier. Je ne voulais certainement pas qu’une intervention du président ne vienne perturber la sérénité des débats ou bousiller de potentiels accords. Je suis intervenu sur d’autres points politiques comme l’élection de Trump, mais sur les négociations dans les communes en particulier, je voulais laisser la place aux négociateurs locaux.
Vous aviez peur qu’un mot de trop de votre part ne soit mal pris ?
C’est surtout que, quand je vois quelqu’un comme Georges-Louis Bouchez instrumentaliser tout débat communal, ça non, je ne mange pas de ce pain-là. Je ne veux pas aller faire de scandale politique partout. Au PTB, nous voulions juste trouver les meilleurs accords possibles partout. On l’a fait à Mons, à Forest et peut-être que ce sera le cas ailleurs. Vous savez, si on prend le cas de Mons, quand nous avons obtenu des engagements pour augmenter les logements sociaux ou contrôler la fiscalité sur les déchets, c’est du concret, mais ça demande du temps pour le négocier. Bouchez, lui, ne pense qu’à garder son pouvoir. J’ai une autre approche…
Quand je vois que quelqu’un comme Georges-Louis Bouchez instrumentaliser tout débat communal, ça non, je ne mange pas de ce pain-là. Je ne veux pas aller faire de scandale politique partout
Vous l’aviez déclaré ouvertement : l’objectif du PTB était de monter dans des majorités. C’est un succès pour vous ?
Oui, sans aucun doute. On avait dit qu’on voulait accélérer et intégrer des majorités dans les communes francophones. Cet objectif stratégique, le PTB a pu le réaliser et démontrer qu’il savait trouver des terrains d’entente. Mieux encore puisqu’à Mons, on n’était pas nécessaire mathématiquement, mais des facteurs locaux ont permis de renforcer des convergences entre partis de gauche. La manière dont Bouchez traite Mons et les Montois, ça crée des ponts à gauche. Les dynamiques locales existent, le rapport de force et les contacts personnels aussi et personnellement, je suis assez content d’avoir cet accord avec Nicolas Martin.
Mons et Forest, c’est acté. On pourrait vous voir au pouvoir ailleurs ?
On négocie encore à Molenbeek, qui me semble plutôt en bonne voie. Et nous discutons aussi à Schaerbeek ou c’est un peu plus complexe comme situation au regard du passif politique de la commune. Pour le reste, à Liège par exemple, on pouvait clairement présupposer qu’un choix préalable avait été fait par Willy Demeyer. On était prêt aussi à Seraing et à Herstal, mais des choix différents ont été faits…
Je ne voulais certainement pas qu’une intervention du président ne vienne perturber la sérénité des débats ou bousiller de potentiels accords.
Justement, Seraing et Herstal étaient vraiment pointés comme objectifs clés. C’est une déception de ne pas en être dans ces deux bastions ?
À Seraing, c’était compliqué à partir du moment où le PS avait une majorité absolue. On y a augmenté nos voix en perdant un siège – c’est dire la complexité du bazar avec la clé Imperiali… Au niveau de Herstal, là par contre, avec un PTB à 31 %, score le plus élevé du parti dans le royaume, où il y a un besoin d’ouvrir pour le PS car il n’a plus sa majorité absolue, où il y avait de bons contacts locaux avec Frédéric Daerden, je ne comprends pas. Tout était réuni ! Faire rentrer le MR dans une commune de gauche comme Herstal, je le regrette. Il y a un positionnement que je ne comprends pas. Pourquoi s’acharner à les faire rentrer au pouvoir quand on voit la puissance de la gauche ? Mais de toute façon, à mes yeux, l’avenir va vers de plus en plus de coalitions de gauche, avec le PS et Écolo ! 2024 a marqué un cap pour ces coalitions progressistes !
Dans les accords dans les provinces de Liège et du Hainaut, on a instauré dans l’accord une « clause anti-PTB ». Qui a donc été signée par le PS. Votre réaction ?
Alors ça, ça interpelle à fond ! Je ne comprends pas comment Bouchez peut dicter à ce point-là la ligne d’autres partis ! Il veut verrouiller le pouvoir et au nom de ça, il verrouille la démocratie locale. Et puis sur le fond, il n’y a pas de cordon sanitaire autour du PTB ! Soyons très clairs là-dessus : il y a unanimité de la part de tous les politologues ! Il n’y a pas plus anti-raciste que nous ! Que le MR veuille un cordon sanitaire autour de nous, c’est son choix. Mais considérer qu’il faut l’imposer aux autres… La direction de la Fédération liégeoise du PS plie sous la pression du MR là-dessus, et maintenant c’est aussi le cas dans le Hainaut ! C’est complètement fou !
Vous y voyez un coup de « GLB » ?
Bouchez n’espérait qu’une chose : neutraliser les voix du PTB pour se maintenir au pouvoir, avec son autoritarisme. De quel droit se permet-il de dire avec qui ou pas on peut aller ? Je comprends qu’il soit en panique suite à cette dynamique du PTB. Fatalement, nos coalitions à gauche font peur, a fortiori à Georges-Louis Bouchez et à cette droite qui essaient de nous imposer un cordon sanitaire.
«Il n’y a pas de cordon sanitaire autour du PTB ! Soyons très clairs là-dessus : il y a unanimité de la part de tous les politologues»
Le PS, pour sa part, a dit pendant dix ans que voter PTB, ça ne servait à rien, car le pouvoir ne vous intéressait pas. Un sacré changement de point de vue !
J’entends bien qu’un débat quant aux alliances avec nous traverse le PS, je le comprends. Ce que je veux en tout cas dire, c’est que le PTB va rester, va grandir, va encore plus s’implanter et on va démontrer qu’avec nous, on sait gérer, faire des choses en majorité. Certains pensaient qu’on ne serait qu’un feu de paille. Non ! On est là pour rester. On a mûri dans nos dossiers, on a plus d’expertises, etc. J’aurai encore de grands contradictoires avec le PS, c’est certain. On n’oublie pas certaines mesures qu’ils ont validées dans la Vivaldi. Mais la séquence permet de voir que si nous avons nos divergences, on a aussi des combats communs. Après, on veut aussi rester modeste, c’est nouveau pour nous, on va apprendre.
Durant la campagne, le PTB avait été critiqué par rapport au fait qu’il présente moins de listes. C’était un pari risqué qui a réussi ?
On a fait un choix. On pouvait continuer à s’étendre dans de plus en plus de communes, c’est ce qu’on faisait avant. Et là, le PTB a recentré ses efforts, quitte à avoir moins de listes dans moins de communes. Mais pour faire changer les réalités, on devait remettre un focus sur des endroits clés, car c’est à partir d’une participation dans des majorités qu’on pourra changer le quotidien des gens.
Date de dernière mise à jour : 15/11/2024
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