Tatouages à risques
Journal International de Médecine - 10 mars 2025.
Les tatouages : une encre pas très sympathique
Dr Roseline Peluchon | 10 Mars 2025
Au cours des dernières années, les tatouages ont gagné en popularité, concernant jusqu’à 20 à 25 % de la population dans certains pays, et même 2 fois plus chez les jeunes générations. Cette popularité croissante des tatouages soulève toutefois des questions concernant leur sécurité et leur impact sur la santé à long terme.
Jusqu’à présent, seulement 3 études ont cherché à identifier un lien potentiel entre l’encre de tatouage et un risque accru de cancer, particulièrement le lymphome, le myélome multiple et le carcinome basocellulaire. Les études rencontrent des difficultés méthodologiques, notamment du fait des très nombreux facteurs confondants possibles.
De la peau aux ganglions lymphatiques
Lorsqu’un tatouage est réalisé, une partie de l’encre migre de la peau vers le sang et s’accumule dans les ganglions lymphatiques régionaux. Les particules contenues dans l’encre peuvent ensuite être transportées par la circulation générale vers d’autres organes.
L’encre noire en particulier, contient du noir de carbone et des hydrocarbures aromatiques polycycliques, parmi lesquels le benzo(a)pyrène, classé comme cancérogène par l’Agence internationale de recherche sur le cancer. Il est donc pertinent de s’interroger sur les conséquences néfastes des tatouages sur la peau, sur le système immunitaire et sur d’autres organes.
De plus, l’encre utilisée produit une inflammation au site d’injection, à l’origine d’une inflammation chronique qui pourrait augmenter le risque de prolifération cellulaire anormale, et notamment de cancer cutané et de lymphome.
Pour améliorer le contrôle des facteurs confondants, une équipe nordique a mené deux études sur des jumeaux, qui partagent un grand nombre de facteurs génétiques et environnementaux. La première est une étude de cohorte, sur plus de 2300 jumeaux, la seconde une étude cas-témoins menée sur 316 jumeaux.
Un risque augmenté de cancers cutanés et de lymphomes
Dans l’étude cas-témoins, l’analyse individuelle montre un sur-risque de cancer de la peau quelle que soit la surface occupée par le tatouage. En comparaison avec les personnes non tatouées, le risque de cancer cutané (de tout type à l’exception du carcinome basocellulaire) augmente de 62 % chez celles qui sont tatouées (HR 1,62 [95 % CI : 1,08 à 2,41]). Le risque paraît encore supérieur quand le tatouage dépasse la taille d’une main (HR 2,37 [1,11 à 5,06]).
Toujours dans l’étude cas-témoins, le risque de lymphome apparaît dépendant de la taille du tatouage. Il n’est pas retrouvé dans les analyses qui ne tiennent pas compte de celle-ci, en revanche, le risque augmente à partir d’une surface supérieure à la paume d’une main (HR 2,73 [1,33 à 5,60]).
Le faible nombre de cas de cancer de la vessie ou des voies urinaires n’a pas permis d’étudier le lien entre les tatouages et ces types de cancers.
Dans l’étude de cohorte, le risque de cancer de la peau (hors carcinome à cellules basales) est presque multiplié par 4 en comparaison avec l’absence de tatouage (HR 3,91 [1,42 à 10,8]). Le risque de carcinome basocellulaire est estimé à 2,83 [1,30 à 6,16]. Dans cette analyse, il n’est pas possible d’estimer les effets des tatouages sur le risque de lymphome.
Les pigments sont-ils seuls responsables ou s’agit-il d’une réaction immunitaire ?
Dans cette étude, les auteurs développent l’hypothèse que les dépôts d’encre interagissent avec les tissus avoisinants, provoquant une augmentation de la prolifération cellulaire, et augmentant ainsi le risque de cancer.
Le mécanisme implique une réponse immunologique, déjà étudiée, par exemple, dans le cas du lymphome anaplasique à grandes cellules, type rare de lymphome à cellules T, qui peut apparaître après la pose d’implants mammaires. Les auteurs remarquent que cette voie n’implique pas obligatoirement des agents spécifiques contenus dans l’encre, même si la présence de substance cancérogène ajoute une part de risque.
Ils estiment donc que les effets préventifs des restrictions européennes (REACH), interdisant l’utilisation de certains pigments et substances potentiellement cancérogènes, et destinées à réduire l'exposition à une longue liste de composés cancérogènes connus ou suspectés, pourraient être moins efficaces que prévus initialement.
Au-delà du mécanisme précis du lien potentiel entre tatouages et cancer, d’autres questions se posent et restent à clarifier, comme la sécurité des procédures laser utilisées pour « effacer » les tatouages : réduire la taille des particules d’encre augmente encore leur potentiel migratoire, et l’on peut se demander où ces particules terminent leur course.
Pour les auteurs, il est désormais nécessaire de prendre en compte et d’informer sur les risques associés à l’encre de tatouage.
References
Clemmensen SB, Mengel-From J, Kaprio J, et al. Tattoo ink exposure is associated with lymphoma and skin cancers - a Danish study of twins. BMC Public Health. 2025 Jan 15;25(1):170. doi: 10.1186/s12889-025-21413-3.
Date de dernière mise à jour : 10/03/2025
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