PARKINSON - ALZHEIMER...
Encore un article sur la Maladie d'Alzheimer;
MA : performances diagnostiques des biomarqueurs sanguins
Dr Pierre Margent | 19 Août 2024
De nos jours, une femme sur cinq et un homme sur dix développent une démence liée à une maladie d’Alzheimer (MA), la majorité étant décelée en soins primaires devant la présence de troubles cognitifs. Malgré l’apport diagnostique de la tomographie avec émission de positons (TEP) et le dosage de biomarqueurs dans le liquide céphalo rachidien (LCR), 25 à 35 % des MA symptomatiques resteraient encore méconnues, car, en pratique, l’absence d’accessibilité aux méthodes diagnostiques récentes demeure un obstacle pour le diagnostic étiologique des troubles cognitifs et la mise en route éventuelle de nouveaux traitements d’immunothérapie anti-amyloïde.
La protéine tau 217 phosphorylée
Le dosage plasmatique de la protéine tau 217 phosphorylée (p-tau 217) est fortement corrélé au diagnostic de MA. Un test sanguin basé sur le rapport p-tau 217 sur non p-tau 217, exprimé en pourcentage de p-tau 217, pourrait se révéler utile, améliorant la précision diagnostique lorsqu’il est combiné avec la détermination du rapport plasmatique β42 amyloïde sur β40 amyloïde (Aβ42 : Aβ40). Toutefois, il est indispensable de valider ces dosages, notamment en soins primaires.
Un travail a été mené, après définition de seuils prédictifs, pour préciser l’intérêt : (i) de la détermination du pourcentage de p-tau 217 dans le plasma uniquement, et (ii) de sa combinaison avec le calcul du rapport Aβ42 : Aβ40 appelé score 2 de probabilité amyloïde (APS2), pour le diagnostic de la MA, notamment devant des symptômes cognitifs en soins primaires.
Les 1 213 participants à cette étude étaient issus de 2 cohortes prospectives de patients présentant des troubles cognitifs, résidant dans le sud de la Suède, de soins primaires et secondaires, un seul échantillon de sang ayant été prélevé par participant.
Les médecins de soins primaires et les spécialistes de la démence ont documenté s'ils pensaient que leurs patients souffraient d'une MA en s’appuyant sur l'évaluation standard (examen clinique, tests cognitifs et tomodensitométrie) avant de voir les résultats des biomarqueurs de MA. Le résultat principal retenu étant le diagnostic de MA, selon les critères 2018 de la Nationale Institute on Aging and Alzheimer‘s Association comme une positivité à l'Aβ et à la protéine tau, soit, selon les seuils pré définis dans le LCR : p-tau 217>11,42 pg/mL et/ou un rapport Aβ42 ≤ 0,072. Une lecture visuelle positive du PET scan au [18F] flutemetamol pour l'Aβ a été utilisée pour définir la présence d'une MA dans les cohortes de soins primaires pour les participants chez qui la ponction lombaire n'a pas pu être réalisée.
Les dosages plasmatiques (Aβ42, Aβ40, p-tau 217 et non p-tau 217) furent effectués par spectrométrie de masse. Les valeurs seuils des biomarqueurs sanguins ont été établies dans une cohorte indépendante pour viser à une spécificité de 90 % en prenant en compte un seul seuil, ou à une sensibilité de 95 % et une spécificité de 95 % en cas de recours à 2 valeurs seuils, une supérieure et une inférieure. Le travail s’attacha à déterminer la valeur diagnostique, la valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN) de chaque dosage.
Une bonne précision diagnostique en soins primaires et secondaires
La cohorte d’étude inclut 1 213 patients, 515 en soins primaires et 698 en soins secondaires, qui présentaient tous des troubles cognitifs. L’âge moyen se situait à 74,2 (SD : 8,3) ans, 48 % étaient des femmes. Ils furent classés en 3 groupes : déclin cognitif subjectif, déclin cognitif léger (44 %) ou authentique démence (33 %). Dans la cohorte de soins secondaires, la démence était plus fréquente (36,5 % versus 28 %) mais il ne fut décelé aucune différence de prévalence de la MA : 49,9 % en soins primaires et 49,7 % en soins secondaires.
Les valeurs seuils des biomarqueurs après avoir été établies dans une cohorte indépendante ont été appliquées à une cohorte de soins primaires (n = 307) et à une cohorte de soins secondaires (n = 300). Lorsque les échantillons de plasma ont été analysés en une seule fois dans la cohorte de soins primaires, l'aire sous la courbe (ASC) était de 0,97 [IC à 95 %, 0,95-0,99] lorsque l'APS2 était utilisé, la VPP était de 91 % [87-96], et la VPN était de 92 % [87-96] ; dans la cohorte de soins secondaires, l'ASC était de 0,96 [0,94-0,98] lorsque l'APS2 était utilisé, la VPP était de 88 % [83-93] et la VPN était de 87 % [82-93].
Le test sanguin a ensuite été évalué de manière prospective (toutes les deux semaines) dans la cohorte de soins primaires (n = 208) et dans la cohorte de soins secondaires (n = 398). Dans la cohorte de soins primaires, l'ASC était de 0,96 [0,94-0,98] lorsque l'APS2 était utilisé, la VPP était de 88 % [81-94] et la VPN était de 90 % [84-96] ; dans la cohorte de soins secondaires, l'ASC était de 0,97 [0,95-0,98] lorsque l'APS2 était utilisée, la VPP était de 91 % [87-95] et la VPN était de 91 % [87-95].
Des biomarqueurs utiles, en association aux autres données
Ainsi, la précision diagnostique des dosages plasmatiques des biomarqueurs de la MA a été très élevée, comprise entre 88 et 92 %. L’identification diagnostique de MA, par les médecins en soins primaires, est passée de 61 % [53-61] par examen clinique, tests cognitifs et tomodensitométrie à 91 % [88-95] avec la mesure de la APS2. En soins secondaires, la précision fournie par des neurologues spécialisés s’améliora de 73 % [68-79] à 91 % [88-95]. Toutefois, dans les 2 cohortes, on ne put déceler de différences entre l’utilisation de l’APS2, avec une validation dans 90 % [88-92] des cas, ou du pourcentage du seul p-tau 217, validation également dans 90 % des observations [88-61].
Ce travail démontre, après définition de seuils, que la mesure du pourcentage de p-tau 217, couplé au calcul du rapport A β42 : Aβ40, appelé APS2, a une haute valeur diagnostique, une VPP et une VPN fortes, dans la prise en charge primaire et secondaire de la MA. Malgré de notables différences, démographiques et cliniques entre les sous-groupes, le dosage des biomarqueurs plasmatiques de la MA s’est avéré, dans tous les cas, très performant, en comparaison avec les méthodes habituellement utilisées pour diagnostiquer une MA. Ces dosages auraient aussi l’avantage d’identifier plus aisément les candidats potentiels à la mise en route d’une immunothérapie anti-amyloïde.
En soins secondaires, ils semblent plus aisés à mettre en œuvre, plus rentables et acceptables par le patient, et seraient susceptibles de remplacer les dosages dans le LCR et la pratique d’une TEP. On se doit toutefois de rappeler que ces biomarqueurs sanguins ne peuvent, à eux seuls être la base du diagnostic de MA et doivent toujours être interprétés en fonction des données cliniques, d’autant que la MA peut rester asymptomatique durant de nombreuses années.
Les limites de ce travail tiennent à l’absence de validation dans des populations plus nombreuses, d’origine géographique plus variée, issues notamment de pays avec faible prévalence de positivité amyloïde en soins primaires. Il sera nécessaire d’évaluer des dosages par simple immuno-essai, la spectrométrie de masse ayant des coûts élevés et nécessitant une grande expérience technique. Enfin, on devra probablement privilégier le pourcentage p-tau 217 sur non p-tau car le seul dosage pourrait être perturbé dans certaines conditions pathologiques, telles une néphropathie chronique.
En conclusion, l’ASP2 et le seul pourcentage de p-tau sur non p-tau 217 ont une haute valeur diagnostique pour identifier une MA chez des individus présentant, en soins primaires, des symptômes déficitaires cognitifs. Des études restent à venir pour préciser de quelle manière l’utilisation de ces biomarqueurs sanguins influencera la prise en charge clinique des démences.
References
Palmqvist S, Tideman P, Mattsson-Carlgren N, et al. Blood Biomarkers to Detect Alzheimer Disease in Primary Care and Secondary Care. JAMA. 2024 Jul 28:e2413855. doi: 10.1001/jama.2024.13855.
ALZHEIMER SOIGNE AVEC DU VIAGRA ? (JIM 8/24)
Prévenir la maladie d’Alzheimer avec du Viagra ?
Dr Isabelle Meresse | 05 Mars 2024
Dans une vaste étude de cohorte portant sur des hommes atteints de dysfonction érectile, la prescription d’un inhibiteur de la PDE5 semble associée à un moindre risque de développer une MA. Un effet neuroprotecteur qui, s’il se confirme, ferait des heureux.
La maladie d'Alzheimer (MA) est la forme la plus courante de démence, et constitue l'une des principales causes de décès du sujet âgé. Si la recherche de traitements à visée curative n’a pour le moment pas abouti, identifier des agents neuroprotecteurs vis à vis de la MA est une piste séduisante.
Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE5), initialement développés pour traiter l’hypertension artérielle et l’angor, ont depuis été ré-affectés au traitement de la dysfonction érectile (sildénafil, Viagra) puis à celui de l’hypertension artérielle pulmonaire. Les principaux effets cliniques des IPDE5 résultent du relâchement des muscles lisses entrainant une vasodilatation. Ce relâchement musculaire est une conséquence de l'augmentation de la guanosine monophosphate cyclique (GMPc), un second messager intracellulaire dégradé par l'enzyme phosphodiestérase (PDE).
Des études ont montré de faibles niveaux de GMPc associés à des niveaux élevés de PDE dans le cerveau des personnes atteintes de MA. La réorientation des IPDE5 en tant que médicaments neuroprotecteurs s'est avérée prometteuse dans des études précliniques. Cependant, les preuves chez l'homme ne sont pas encore concluantes, 2 études ayant apporté des résultats contradictoires. Ainsi, la présente étude de cohorte a été menée afin d’évaluer l'association entre l'utilisation des IPDE5 et le risque de développer une MA chez des hommes souffrant de dysfonction érectile (DE).
Plus de 250 000 britanniques présentant une dysfonction érectile
En utilisant les dossiers de santé électroniques d'IQVIA Medical Research Data UK (anciennement connu sous le nom de base de données THIN, base de données anonymisées de 16 millions de patients de soins primaires au Royaume-Uni), ont été identifiés les hommes âgés de 40 ans ou plus, avec un diagnostic de dysfonction érectile posé entre 2000 et 2017. Les personnes ayant un diagnostic antérieur de démence, de troubles cognitifs, de confusion ou de prescription pour des symptômes de démence ont été exclues.
Le critère de jugement principal, la survenue d’une MA au cours du suivi, a été identifié à l'aide de codes diagnostiques. La prescription d’IPDE5 a été traitée comme une variable d'exposition, variable dans le temps. Les facteurs de confusion potentiels ont été ajustés en utilisant la pondération de la probabilité inverse basée sur les scores de propension.
Des modèles de risques proportionnels de Cox ont été utilisés pour estimer le rapport de risque ajusté (HR) avec des IC à 95 %. Une analyse secondaire a exploré l'association entre la MA et le nombre cumulé de prescriptions d’IPDE5. Des analyses de sensibilité ont inclus des périodes de décalage de 1 et 3 ans après l'entrée dans la cohorte pour tenir compte du stade prodromique de la MA.
L'étude a porté sur 269 725 hommes (âge moyen à l'entrée dans la cohorte = 58,5 [ET 10] ans), avec un suivi médian de 5,1 ans (2,9 à 8,9 ans). Au cours des 1 309 205 personnes-années de suivi, 1 119 personnes ont reçu un diagnostic de MA.
Faire d’une pierre deux coups ?
Chez les personnes exposées aux IPDE5, 749 ont développé une MA, ce qui correspond à un taux brut d'incidence de 8,1 pour 10 000 personnes-années (IC à 95 % : 7,5-8,7). Dans le groupe non exposé, 370 hommes ont développé une MA, ce qui correspond à un taux d'incidence brut de 9,7 pour 10 000 personnes-années (IC à 95 % : 8,7-10,7). Le HR ajusté chez les sujets auxquels étaient prescrits des IPDE5par rapport à ceux qui n'en prenaient pas était de 0,82 (IC à 95 % : 0,72-0,93).
Le risque de MA était diminué chez les personnes auxquelles ont été délivrées 20 ordonnances ou plus d’IPDE5, par rapport aux non-utilisateurs : HR = 0,56 (IC à 95 % : 0,43-0,73) pour 21 à 50 ordonnances et HR = 0,65 (IC à 95 % : 0,49-0,87) pour plus de 50 ordonnances. Dans une analyse exploratoire de sous-groupe, l'exposition à un IPDE5 chez les hommes les plus à risque de MA, c’est-à-dire les hommes âgés de 70 ans ou plus, et ceux ayant des antécédents d'hypertension et de diabète, était également associée à un risque réduit de MA.
L'analyse de sensibilité avec une période de décalage de 1 an entre l’entrée dans la cohorte et le diagnostic de MA confirme le résultat principal (HR = 0,82, IC à 95 % : 0,72-0,94), mais les résultats diffèrent avec la prise en compte d'une période de décalage de 3 ans (HR = 0,93, IC à 95 % : 0,80-1,08).
Les limites de l’étude
Tout d’abord, l’évaluation de l’exposition aux IPDE5 était basée sur les dossiers de prescription et, par conséquent, il n’est pas possible de savoir si les patients ont réellement pris le traitement. De plus, les données des explorations pour confirmer l’exactitude du diagnostic de MA ne sont pas disponibles. Cependant, le diagnostic de démence en soins primaires a une bonne spécificité et peu de faux négatifs. Une relation dose-réponse n’a pas pu être précisément évaluée car la durée du traitement par IPDE5 n’est pas correctement enregistrée, compte tenu de l’utilisation « si besoin » dans la prise en charge de la dysfonction érectile.
Les résultats de l’analyse secondaire de l'effet du nombre cumulé d'ordonnances délivrées au cours de la période de suivi peuvent être interprétés avec prudence comme un indicateur de la régularité de l’utilisation. Cependant, une confusion graduelle en fonction des prescriptions cumulées ne peut pas être exclue. Ainsi, un nombre plus élevé de prescriptions peut être corrélé à des facteurs de risque de dysfonction érectile (par ex, un diabète non contrôlé) qui sont associés avec la MA.
Dans cette étude qui fait couler beaucoup d’encre, l'instauration d'un traitement par IPDE5 chez des hommes souffrant de dysfonction érectile a été associée à un risque plus faible de MA, en particulier chez ceux qui ont reçu le plus de prescriptions. L’incertitude dans l’analyse de sensibilité peut refléter l'impact du biais de latence sur le résultat principal. Cette étude justifie des recherches plus approfondies sur le mécanisme physiopathologique éventuel de neuroprotection des IPDE5. Un essai contrôlé randomisé incluant les deux sexes et explorant différentes doses d’IPDE5 serait pertinent pour confirmer l'association entre la prise d’IPDE5 et le fait de développer ou non une MA.
References
Adesuyan M, Jani YH, Alsugeir D, et al. Phosphodiesterase Type 5 Inhibitors in Men With Erectile Dysfunction and the Risk of Alzheimer Disease: A Cohort Study. Neurology. 2024 Feb 27;102(4):e209131. doi: 10.1212/WNL.0000000000209131.
PARKINSON du vécu...10 juillet 2024
Vivre avec la maladie de Parkinson: “J’ai tout de suite été dans l’acceptation”
10-07-2024, 20:59Mise à jour le: 10-07-2024, 21:00
Jean-François, 64 ans aujourd’hui, a commencé la maladie de Parkinson à 52 ans. « La faute à pas de chance ». Loin d’une condamnation à mort, la maladie a été pour lui une condamnation à vivre.
« Connaissez-vous la maladie neurodégénérative la plus répandue ? », demande Jean-François. « La vie », répond-il joyeusement. Jean-François est un optimiste lucide : Parkinson, ce n’est pas marrant tous les jours, mais paradoxalement, la maladie l’a aidé à mieux profiter de la vie. « Pour mon dixième anniversaire de maladie, nous sommes allées visiter les grands parcs américains avec mon épouse », raconte-t-il. À l’occasion d’une promenade en forêt, c’est elle qui lui a fait remarquer il y a douze ans que l’un de ses bras ne bougeait plus. « Mon beau-père avait eu Parkinson, je connaissais la maladie. J’ai tout de suite soupçonné que c’était ça, raconte Jean-François. Et puis, ça faisait bien longtemps que j’avais perdu l’odorat... »
Le masque
Le neurologue que Jean-François consulte n’a pas eu besoin de lui poser beaucoup de questions...
« Il a tout de suite vu que j’avais le masque, se souvient-il. Quand on a Parkinson, souvent, on ne sourit pas parce que la maladie entraîne une immobilité au niveau des muscles du visage... Il m’a dit oui, c’est grave, mais la vie continue. Il a eu une attitude très humaine. Il m’a fait comprendre dès le début qu’il ne dépendait que de moi d’avoir encore du plaisir à vivre. Je n’ai jamais été dans le déni, je suis tout de suite allé vers l’acceptation. »
Lune de miel
Au moment du diagnostic, Jean-François endosse d’importantes responsabilités en tant que trésorier d’une grosse entreprise belge. Pendant cinq ans, il poursuit ses activités comme avant.
« Dans la maladie de Parkinson, il y a ce qu’on appelle la lune de miel, une période qui dure environ cinq ans pendant laquelle les symptômes restent légers et peu visibles. » Mais passée cette période, Jean-François décidera de parler de sa maladie à son travail et de lever le pied. « J’avais peur de finir par faire une grosse bêtise. Quand on a Parkinson, il est plus difficile de gérer le stress et la fatigue or je brassais des millions d’euros à l’époque... » Quitter plus tôt la vie professionnelle a eu du bon.
« Avant, je travaillais énormément et je voyais très peu ma famille. J’ai la chance d’avoir une épouse qui est aidante proche et qui n’est pas partie – les partenaires partent parfois, c’est une réalité –, des filles qui sont très gentilles avec moi et un confort financier qui me rend la vie plus facile », explique-t-il, conscient des difficultés rencontrées par les malades moins chanceux.
Boxe et humour
Il y a trois ans et demi, outre son traitement médicamenteux, Jean-François a bénéficié d’une DBS (Deep Brain Stimulation), une technique de neurochirurgie fonctionnelle : grâce à l’implantation d’électrodes, certaines zones cérébrales sont stimulées de manière électrique, ce qui permet de réduire certains symptômes. « Cela m’a beaucoup aidé, constate-t-il. Avant, j’avais énormément de mouvements incontrôlés qui peuvent être très gênants, notamment dans les lieux publics et les transports... Imaginez la réaction de la personne à côté de vous si votre main se pose là où il ne faut pas... »
Grâce à l’association Action Parkinson, Jean-François s’est aussi mis à la boxe. « La boxe allie le cardio, la coordination et la mémoire. Idéal quand on a Parkinson. » À côté du soutien social, d’une bonne prise en charge médicale et de l’exercice physique, l’ancien trésorier souligne l’importance de la sagesse et de l’humour. « L’autre jour, au parc, une fillette a dit à sa mère : Oh regarde le vieux monsieur tout pourri. Hé bien c’était mignon... » Plus difficiles à vivre sont les réflexions d’adultes censément bien élevés qui se permettent, au restaurant, de se donner des coups de coude en désignant Jean-François... « En fin de repas, comme je tremble, les gens pensent que je suis bourré... mais non, je n’ai pas trop bu : j’ai Parkinson ! »
Une maladie fréquente
Caractérisée par la présence d’amas protéiques toxiques au niveau des cellules nerveuses, elle provoque la dégénérescence progressive des neurones à dopamine. La dopamine est un neurotransmetteur impliqué dans le contrôle de nombreuses fonctions comme les mouvements volontaires, la cognition, la motivation et les affects : la maladie de Parkinson provoque donc divers symptômes comme l’akinésie (difficulté d’initiation du mouvement, écriture plus petite, marche lente et hésitante, difficultés à se retourner dans son lit), l’hypertonie (rigidité des membres) et les tremblements (surtout au repos).
Un article du JIM le 28 juin 2024
Parkinson : la difficile analgésie des douleurs centrales
Caroline Guignot
28 juin 2024
À retenir
L’étude française OXYDOPA est la première à comparer de façon randomisée et en double aveugle deux classes thérapeutiques différentes pour soulager la douleur centrale des malades parkinsoniens : oxycodone ou augmentation de la posologie de lévodopa.
Elle a échoué à décrire la supériorité de l’une et/ou l’autre des deux options par rapport au placebo. L’évaluation d’autres classes thérapeutiques sur ces douleurs ou de ces deux approches sur les autres types de douleurs associées à la maladie de Parkinson reste à mener.
La prise en charge de la douleur centrale parkinsonienne (DCP) est insatisfaisante, alors qu’elle concernerait 10 à 28 % des patients. La compréhension des mécanismes biologiques impliqués permet de suspecter deux voies moléculaires au sein des ganglions de la base : un dysfonctionnement dopaminergique, altérant les voies de la douleur et de ses processus de modulation, et l’implication de récepteurs opiacés. Mais l’intérêt de la lévodopa et des opiacés sur la DCP n’a jamais été exploré. Aussi, cette étude randomisée versus placebo est la première à évaluer l’efficacité comparée du ciblage de ces deux voies.
Huit semaines d’analgésie à dose stable après titration progressive
OXYDOPA est une étude randomisée, prospective, multicentrique qui a été menée en France dans 15 centres français experts de la maladie de Parkinson (MP) appartenant au réseau NS-Park/FCRIN. Cette étude a inclus des patients MP de 45 à 75 ans souffrant d’une DCP depuis ⩾ 3 mois avec une intensité de ⩾ 30 mm sur une échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur au cours du dernier mois.
Pour être inclus, ils devaient être sous traitement antiparkinsonien stable, seul ou en association à un traitement analgésique (anti-inflammatoires non stéroïdiens, acétaminophène) ou co-analgésique (antidépresseurs, antiépileptiques) de niveau 1 stable depuis au moins 4 semaines. Ils ont été randomisés (1:1:1) entre l’administration d’oxycodone LP (libération prolongée, 40 mg/jour maximum), une administration de lévodopa/bensérazide (200 mg maximum) et celle d’un placebo. Ces traitements étaient administrés pendant 8 semaines à dose stable après une phase de titration progressive de 2 semaines jusqu’à dose optimale). Ensuite, une phase de sevrage de 8 jours était observée. Le critère principal d’évaluation était la variation de l’intensité moyenne de la douleur entre J0 et J71.
Une efficacité comparable à celle du placebo
Au total, 63 patients ont été inclus dans l’étude (âge moyen 62 – 66 ans, 39-55 % d’hommes, EVA moyen 51,7 à 60,2 mm). Au cours des 8 semaines, les doses quotidiennes moyennes étaient respectivement de 20,7 mg pour l’oxycodone LP et de 183,3 mg pour la lévodopa/bensérazide.
Il n’y avait pas de différence significative entre les trois groupes sur le critère principal : la réduction de la douleur à l’issue des 8 semaines était respectivement de -17 mm pour l’oxycodone LP, de -8,3 mm pour la lévodopa/bensérazide et de -14,3 mm pour le placebo. Il n’y avait pas de différence significative non plus concernant l’intensité maximale de la douleur ressentie lors de la dernière semaine. Le pourcentage de répondeurs (30 % de baisse de l’intensité moyenne) était toutefois significativement supérieur dans le groupe oxycodone LP par rapport au groupe lévodopa/bensérazide (52,2 % vs 15 % respectivement).
L’incidence des événements indésirables était comparable dans les trois bras de l’étude (90 %) et spécifique des molécules utilisées (principalement nausées, constipation, somnolence dans le groupe oxycodone, douleurs et dyskinésies dans le groupe lévodopa/bensérazide, douleurs et nausées dans le groupe placebo).
Les auteurs soulignent que la réponse au placebo est particulièrement importante, sachant qu’ils étaient respectivement 40 % et 15 % dans ce bras de l’étude à rapporter une amélioration d’au moins 30 % ou d'au moins 50 % de la douleur moyenne. Par ailleurs, la dose moyenne tolérée d’oxycodone LP était inférieure aux 40 mg initialement prévus, « ce qui peut avoir diminué les chances de détecter un effet analgésique plus puissant ».
Concernant le bras lévodopa/ bensérazide, il est possible que l’effet analgésique du médicament soit déjà effectif puisque les patients le recevaient déjà au début de l’essai. Mais une augmentation posologique au-delà de celle mise en œuvre ici est sans doute délicate à envisager étant donné le risque de dyskinésie, qui concernait déjà une partie des patients alloués à ce groupe. « D’autres approches mériteraient d’être évaluées, comme celles des inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, la gabapentine et la prégabaline, ainsi que des interventions non pharmacologiques. »
Lu sur "Marie-Claire" 22 octobre 2023
Alzheimer : une infection du cerveau causée par un champignon provoque les mêmes symptômes que la maladie
PUBLIÉ LE 22/10/2023 À 11:37
Selon une étude américaine, un champignon présent en temps normal dans le système digestif pourrait infester le cerveau, et provoquer des changements similaires à ceux provoqués par la maladie d’Alzheimer. Une avancée importante pour la recherche.
Maladie neurodégénérative caractérisée par des troubles de la mémoire et des difficultés à effectuer des gestes simples, la maladie d’Alzheimer est la forme de démence la plus répandue. D’après le site de l’Assurance maladie, elle représente 80 % des cas de démence. Si des facteurs de risque sont plus à même de permettre à la maladie de se développer que d’autres, on ne connaît encore aucune cause directe.
Des chercheurs américains viennent cependant de découvrir un élément intéressant concernant son déclenchement.
UN CHAMPIGNON QUI PÉNÈTRE DANS LE CERVEAU
Publiée dans le prochain numéro de la revue Cell Reports, à paraître intégralement le 31 octobre 2023, une étude a été menée par une équipe de chercheurs du Baylor College of Medicine (Texas). Elle s’est intéressée au rôle que pouvait jouer Candida albicans, un champignon présent dans le système digestif, se basant sur de précédents travaux publiés en 2019, qui estimaient que ce champignon pouvait pénétrer dans le cerveau.
Les scientifiques ont constaté que le Candida albicans présent chez les souris pénétrait directement leur cerveau à partir du sang, en franchissant la barrière hémato-encéphalique grâce à la sécrétion d’enzymes, appelées protases aspartiques. Une fois dans le cerveau, le champignon génère des fragments de protéines toxiques, considérées par les chercheurs comme "étant au centre du développement de la maladie d’Alzheimer".
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ALZHEIMER - un article de la RTBF septembre 2023
Au secours, je perds souvent mes clefs et j’oublie le prénom des gens… Est-ce le signe que je commence la maladie d’Alzheimer ?
21 sept. 2023
Par Olivier Arendt
Avez-vous déjà ressenti l’anxiété de chercher frénétiquement vos clés tout en vous demandant si cela pourrait être un signe précoce de la maladie d’Alzheimer ? Un de vos proches présente des troubles de la mémoire ou du comportement ? À l’occasion de la Journée mondiale dédiée à cette maladie, nous avons cherché à comprendre à quel moment nous devrions prendre au sérieux nos petits oublis quotidiens, et à quel moment il serait judicieux de consulter notre médecin.
Le docteur Jose-Antonio Elosegi, de l’hôpital de Mons (HELORA – site Kennedy) est spécialiste cette maladie, il explique : "Cette maladie est en forte augmentation tout simplement car l’espérance de vie de la population augmente. Et comme cette maladie d’Alzheimer est principalement liée à l’âge, on peut même parler de pandémie mondiale".
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus de 55 millions de personnes sont atteintes de démence dans le monde et chaque année, il y a près de 10 millions de nouveaux cas diagnostiqués. La démence est actuellement la septième cause de décès et l’une des principales causes d’invalidité et de dépendance chez les personnes âgées dans le monde.
Dans notre pays, en 2022, l’espérance de vie à la naissance est de 81,7 ans, pour les femmes c’est 83,8 ans et pour les hommes c’est 79,5 ans. Résultat, on estime qu’un Belge sur cinq va développer une forme de démence. Dans 60 à 70% des cas, c’est la maladie d’Alzheimer qui sera diagnostiquée. Le nombre de Belges atteints de démence devrait donc augmenter de plus de 33% sur les 10 prochaines années pour approcher les 300.000 personnes touchées. Autre particularité de cette maladie, c’est qu’elle touche plus les femmes que les hommes et ce, même en tenant compte du fait qu’elles vivent plus longtemps.
Une question d’âge, mais pas que…
Bien que la maladie d’Alzheimer soit la forme la plus courante de démence, les causes et les mécanismes précis de cette maladie restent largement méconnus. Malgré les avancées scientifiques, il est important de noter que les démences dégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer, demeurent actuellement incurables.
Il est essentiel de comprendre que l’âge constitue le principal facteur de risque identifié pour le développement de la démence. Cependant, il est tout aussi crucial de souligner que la démence n’est pas une conséquence inévitable du processus de vieillissement biologique. De plus, elle ne se limite pas exclusivement aux personnes âgées, car la démence précoce, caractérisée par l’apparition des symptômes avant l’âge de 65 ans, représente jusqu’à 9% des cas.
Le Dr Elosegi explique qu’il a une méthode simple et rapide pour diagnostiquer la maladie lors des consultations médicales : "Je pose la question au patient de savoir pourquoi il est venu en consultation. Si sa tête se tourne vers son accompagnant pour solliciter des indications, vous pouvez être certain qu’il s’agit d’un cas d’Alzheimer. Le signe le plus manifeste de la maladie est que le patient n’a pas conscience de sa propre maladie."
La maladie d’Alzheimer, une maladie neurodégénérative, se manifeste généralement vers l’âge de 65 ans, et ses symptômes s’aggravent avec le temps. Fondamentalement, elle est caractérisée par le dépôt de la protéine bêta amyloïde sur les cellules cérébrales, ce qui perturbe la transmission synaptique et peut finalement conduire à la mort des neurones. En termes simples, les messages qui circulent dans le cerveau de la personne atteinte ne parviennent plus toujours à leur destination, ce qui explique les troubles caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.
Parmi les symptômes les plus fréquemment observés, on trouve des oublis récurrents, des problèmes d’orientation, des altérations des fonctions exécutives (comme la planification, l’organisation, la gestion du temps et la pensée abstraite), ainsi que des troubles du langage.
Le Dr Jose-Antonio Elosegi tient à apporter un message rassurant : "Ainsi, ce n’est pas le simple fait d’égarer occasionnellement ses clés qui indique la présence de la maladie d’Alzheimer, mais plutôt le fait de ne plus être conscient de leur perte, qui constitue un signe de la maladie."
Pas de traitement, beaucoup de recherches et quelques avancées scientifiques
La maladie d’Alzheimer est connue pour se déclencher environ une dizaine d’années avant l’apparition des premiers symptômes, ce qui complique considérablement sa prise en charge. Malgré des recherches s’étalant sur plusieurs décennies, il n’existe actuellement aucun traitement capable de guérir cette maladie ou d’en prévenir l’apparition.
Au cours des deux dernières décennies, la principale avancée a été réalisée grâce à un traitement développé conjointement par des laboratoires pharmaceutiques américains et japonais qui ciblent les protéines amyloïdes. Ce traitement a démontré des résultats encourageants et a été approuvé pour certains cas par les autorités américaines. Cependant, ses effets demeurent limités, et son utilité thérapeutique est encore sujette à débat. De plus, il est à noter que l’autorisation d’un médicament pourrait être accordée aux États-Unis cette année.
Le Dr Jose-Antonio Elosegi explique : "À l’heure actuelle, nous disposons de techniques de détection précoce, telles que le scanner cérébral, pour obtenir des informations. Cependant, ces méthodes sont coûteuses et réservées principalement à la recherche clinique. Il est important d’être réaliste, cette maladie est mortelle, et nous ne pouvons pas, pour l’instant, empêcher son développement. Notre objectif est de développer des médicaments efficaces, mais jusqu’à présent, ils ne font que ralentir la progression de la maladie, sans la guérir."
Pour le reste de nombreuses études sont en cours autour de la planète pour fournir des tests de détection efficaces et ce au plus tôt du développement de la maladie. L’idée de diagnostiquer Alzheimer avant même les premiers symptômes visibles permettrait aussi de développer de meilleurs traitements pour l’accompagnement des malades. Une des plus grandes avancées attendue serait celle du développement d’un vaccin curatif, mais nous ne sommes encore qu’au stade des études cliniques.
Sabine Henry, présidente de la Ligue Alzheimer, expliquait qu’il faut ne pas oublier de placer les malades et leurs familles au centre de la recherche scientifique : "Le diagnostic précoce est important, pour la personne elle-même, pour prendre des dispositions pour sa vie future, mais aussi pour trouver des traitements ou des interventions possibles. Le plus tôt est le mieux", explique-t-elle. "Evidemment, il faut un accompagnement qui va de pair avec un diagnostic précoce, parce qu’autrement, on pourrait être désespéré. Il faut que cela soit fait avec prudence", précise-t-elle.
"Pour avoir de meilleures chances de réussir, les efforts de recherche sur la démence doivent avoir une orientation claire et être mieux coordonnés", martelait la docteure Tarun Dua, cheffe de l’Unité de la santé du cerveau à l’OMS. "C’est pourquoi l’OMS élabore un schéma directeur pour la recherche sur la démence, un mécanisme de coordination mondial qui structurera les travaux de recherche et encouragera de nouvelles initiatives. L’une des pierres angulaires des travaux de recherche à venir devrait consister à inclure les personnes atteintes de démence, leurs aidants et leurs familles".
Une vie saine et une pratique intellectuelle active sont à ce jour le meilleur des traitements préventifs
D’après l’OMS, il est envisageable de diminuer le risque de déclin cognitif et de démence en adoptant un mode de vie qui intègre une pratique régulière d’exercice physique, l’abandon du tabagisme, une consommation modérée d’alcool, le maintien d’un poids corporel adéquat, une alimentation saine, ainsi que le maintien de niveaux appropriés de pression artérielle, de glycémie et de cholestérol. D’autres facteurs de risque sont aussi pointés comme la dépression, l’isolement social, un faible niveau d’éducation, le manque d’activités intellectuelles et l’exposition à la pollution de l’air.
Le Dr Jose-Antonio Elosegi conclut en expliquant : "Une vie intellectuelle active est probablement l’un des meilleurs facteurs de protection pour votre avenir, car elle contribue à créer une "réserve cognitive". Cette "réserve cognitive" permet de compenser, du moins pendant un certain temps, la perte de fonction des neurones. Cette capacité est liée à la plasticité cérébrale, c’est-à-dire à la faculté d’adaptation de notre cerveau. Bien que cela ne puisse pas empêcher le développement de la maladie, cela peut vous offrir plusieurs années avec des symptômes moins handicapants."
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Tél. : 0800 15 225 (numéro d’appel gratuit du lundi au vendredi de 8 à 18 heures)
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TOUT SUR LA MALADIE DE PARKINSON
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Article du Journal International de Médecine du 10/10/23
Quand les signes digestifs précèdent la maladie de Parkinson
Le système nerveux entérique (SNE), qualifié de second cerveau, est la partie du système nerveux autonome qui contrôle le système digestif. Situé tout le long du tube digestif, il est composé de plus de 100 millions de neurones. Il joue un rôle central dans le contrôle de la régulation de la motricité digestive, l'absorption des nutriments et le contrôle de la barrière intestinale qui protège des agents pathogènes extérieurs.
Depuis les années 2000, l’hypothèse anatomique de Braak suggère que le tube digestif pourrait être le point de départ de la maladie de Parkinson (MP). La survenue de troubles digestifs chez la quasi-totalité des patients parkinsoniens et la présence de lésions neuropathologiques dans l’innervation intrinsèque et extrinsèque du tube digestif permet désormais de penser que la MP comporte également une composante digestive.
Outre le lien ascendant formulé par Braak, une étiologie descendante dans laquelle les symptômes gastro-intestinaux sont présents dans les phases précoces lorsque les manifestations neurologiques passent encore inaperçues est étayée par des preuves expérimentales, ces symptômes gastro-intestinaux représentant alors un facteur de risque. Des associations ont aussi été décrites entre des antécédents gastro-intestinaux et la maladie d'Alzheimer (MA) et les maladies cérébrovasculaires (MCV), justifiant une étude à grande échelle.
Une étude combinée sur une cohorte de près de 25 000 malades
Les auteurs ont réalisé une étude combinée cas-témoins et de cohorte en utilisant TriNetX, un réseau national de dossiers médicaux basé aux États-Unis. Ils ont identifié 24 624 patients atteints de MP idiopathique dans l'analyse cas-témoins, qui ont été comparés avec des cas témoins indemnes de pathologie neurologique, et à des sujets souffrant de MA et de MCV, afin d’étudier les manifestations gastro-intestinales antérieures. Dans un seconda temps, 18 cohortes à chaque exposition (divers symptômes gastro-intestinaux, appendicectomie, vagotomie) ont été comparées à leurs contrôles négatifs (CN) pour le développement d’une MP, MA ou MCV dans les 5 ans.
La gastroparésie, la dysphagie, le syndrome du côlon irritable (SII) sans diarrhée ni constipation ont montré des associations spécifiques avec la MP (vs CN, MA et MCV) dans les deux cas-témoins (rapports de cotes (OR) tous p <0,0001) et analyses de cohorte (risques relatifs (RR) tous p <0,05). Alors que la dyspepsie fonctionnelle, le SII avec diarrhée, la diarrhée et l'incontinence fécale n'étaient pas spécifiques de la MP, le SII avec constipation et pseudo-obstruction intestinale a montré une spécificité de la MP dans l'analyse cas-témoins (OR 4,11) et de cohorte (RR 1,84). L'appendicectomie a diminué le risque de MP dans l'analyse de cohorte (RR 0,48). Ni la maladie inflammatoire de l'intestin ni la vagotomie n'étaient associées à la MP.
Un « deuxième cerveau »
Cette vaste étude a tenté d'explorer l’axe intestin/cerveau en recherchant des associations entre diagnostics neurologiques et symptômes gastro-intestinaux antérieurs, et symptômes gastro-intestinaux et développement ultérieur de MP. Après ajustement pour tenir compte de multiples comparaisons et prise en compte du risque initial chez les patients atteints de MA et de MCV, seules la dysphagie, la gastroparésie, le SII sans diarrhée et la constipation isolée sont associées de manière significative et spécifique à la MP.
De nombreuses revues de la littérature, mentionnent que l’atteinte du SNE est responsable des troubles digestifs qui sont observés au cours de la maladie de Parkinson. Les études sur pièces autopsiques et biopsies digestives ont établi que des agrégats d’alpha-synucléine, morphologiquement proches des corps de Lewy du système nerveux central (SNC), sont observés à la fois dans le nerf vague et dans le SNE chez une grande majorité des sujets avec une MP. Cependant ces études n’ont pas montré de perte de neurones dans le SNE au cours de la MP et la présence de dépôts d’alpha-synucléine dans le SNE ne suffit pas à elle seule à expliquer ces troubles digestifs.
Il reste donc à déterminer si l’atteinte vagale est suffisante pour expliquer les troubles digestifs ou si une dysfonction des neurones entériques sans perte neuronale se produit. L’atteinte du SNE par les dépôts d’alpha-synucléine, serait alors précoce et précéderait celle du SNC, apportant ainsi des éléments en faveur de l’hypothèse de Braak qui repose sur des données autopsiques qui ne permettent pas de suivi longitudinal chez un même individu.
Une appendicectomie est apparue protectrice, conduisant à des spéculations supplémentaires sur son rôle dans la physiopathologie de la MP. Des études mécanistiques supplémentaires sont donc nécessaires pour établir la causalité, confirmer l’axe cerveau/intestin ou le rôle d’une dysbiose et de troubles de la perméabilité intestinale.
En conclusion, cette grande et première étude multicentrique à l'échelle nationale montre que des symptômes gastro-intestinaux précoces (dysphagie, gastroparésie, constipation et SII sans diarrhée) sont associés à un risque accru de MP, comme le suggérait l'hypothèse de Braak. Sous réserve d’études mécanistiques longitudinales, la détection précoce de ces troubles gastro-intestinaux pourrait contribuer à l'identification des patients à risque de MP et l’on pourrait supposer alors que les traitements modificateurs de la maladie pourraient, à cette phase précoce, empêcher la progression de la pathologie liée aux avatars toxiques de l'alpha-synucléine.
Dr Sylvain Beorchia
RÉFÉRENCE
Konings B, Villatoro L, Van den Eynde J et al. Gastrointestinal syndromes preceding a diagnosis of Parkinson's disease: testing Braak's hypothesis using a nationwide database for comparison with Alzheimer's disease and cerebrovascular diseases. Gut 2023 Aug 24; doi: 10.1136/gutjnl-2023-329685
Article du JIM du 24 mars 2023
Vers un nouveau traitement spécifique pour améliorer les troubles digestifs du Parkinson
La maladie de Parkinson (MP) est l'une des maladies neurodégénératives les plus courantes affectant, dans le monde, environ 1 900 sur 100 000 personnes âgées de 80 ans ou plus. Elle se caractérise par l'accumulation d'alpha-synucléine au niveau du système nerveux central. Cette protéine αS forme aussi des agrégats dans les neurones entériques et pourrait, de ce fait, être à l’origine des manifestations gastro-intestinales liées à la maladie. Ainsi, la constipation chronique est présente chez 60 % des patients atteints de MP et répond mal aux traitements conventionnels. ENT-01 (phosphate de squalamine) inhibe la formation d'agrégats αS, stimule les neurones entériques et améliore la constipation dans une étude ouverte chez des patients atteints de MP. Cette étude randomisée de phase IIb a pour but d’évaluer l'innocuité et l'efficacité d’ENT-01 oral pour la constipation et les symptômes neurologiques chez les patients atteints de MP.
Un total de 150 patients, âgés de 18 à 90 ans, ayant moins de 3 selles par semaine ont pris quotidiennement l’ENT-01 ou le placebo pendant 25 jours. Après évaluation initiale de la gravité de la constipation, la posologie quotidienne a été augmentée jusqu'à la dose prokinétique, la dose maximale (250 mg) ou la limite de tolérabilité, suivie d'une période de sevrage de 4 semaines. Le critère principal d'évaluation de l'efficacité était le nombre de selles spontanées complètes par semaine. Les paramètres neurologiques comprenaient la démence évaluée à l'aide du MMSE et la psychose (évaluée à l'aide du SAPS-PD).
Augmentation de la fréquence des selles sous traitement actif
Le nombre de selles complètes et spontanées à l’inclusion était de 0,7 par semaine dans les trois groupes. À l’issue de la période de traitement, le nombre de selles était de 3,2 sous ENT-01 (données poolées) et 1,2 par semaine sous placebo (rapport des taux 2,78, p < 0,001). Il était respectivement de 2,2 et 1,2 par semaine à l’issue des 2 semaines d’arrêt (rapport des taux 1,6, p = 0,084). L’amélioration concernait à la fois la fréquence des selles spontanées, la consistance des selles, la facilité de leurs émissions et l'utilisation de laxatifs.
Chez les quelques patients ayant une altération cognitive ou ceux qui avaient des symptômes psychotiques, une amélioration respective des scores MMSE et SAPS-PD a été observée dans le groupe ENT-01, plus importante que dans les groupes placebo. ENT-01 a été bien toléré, sans décès ni événements indésirables graves liés au médicament. Les événements indésirables étaient principalement gastro-intestinaux dans le groupe traité. Les arrêts de traitement ont concerné 25,8 % des patients sous ENT-01, essentiellement à cause de nausées ou diarrhées, et 14,1 % sous placebo. La diarrhée s’améliorait en réduisant la dose et les nausées diminiuaient après 2 ou 3 jours.
Dans l’attente d’études plus larges et de plus longe durée
Dans ce tout premier essai de phase IIb randomisé, contrôlé par placebo, d'une durée de 25 jours, ENT-01 a pu améliorer de manière significative le nombre de selles spontanées complètes par semaine par rapport au placebo. Les personnes du groupe de traitement ont également connu des améliorations significativement plus importantes de la qualité des selles spontanées, mais aucune amélioration des scores de qualité de vie. Il n'y avait pas de différence significative du critère principal entre les groupes aux périodes de suivi de 2 et 6 semaines. Des études conduites sur des périodes plus longues de traitement sont désormais attendues. Les signaux positifs concernant certains symptômes neurologiques améliorés par l’ENT-01 et une évaluation des troubles de la déglutition, très fréquents dans cette maladie neurologique, devront aussi être mieux caractérisés.
En conclusion, l’ENT-01 (phosphate de squalamine) oral est sûr et améliore significativement la constipation des parkinsoniens avec un effet qui semble persister quelques semaines après la courte période de traitement. Il pourrait un jour offrir aux gastro-entérologues et aux patients la première option thérapeutique ciblée sur un symptôme difficile à traiter. D'autres études plus larges sont nécessaires pour évaluer les mécanismes et l'efficacité du médicament sur de plus longues périodes avant qu'il ne puisse être appliqué à la pratique clinique.
Dr Sylvain Beorchia
RÉFÉRENCE
Camilleri M, Subramanian T, Pagan F, et coll. : Oral ENT-01 targets enteric neurons to treat constipation in Parkinson disease. A randomized controlled trial. Ann Intern Med. 2022;175:1666-74. [PMID: 36343348] doi:10.7326/M22-14382.
8 juillet 21 dans le JIM
Publié le 08/07/2021
Suggestion pour le traitement de la constipation au cours de la maladie de Parkinson
Les probiotiques sont ces microorganismes vivants qui, ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà de leurs effets nutritionnels traditionnels. Cette définition de l’OMS illustre les vertus thérapeutiques potentielles des probiotiques qui sont d’ailleurs recommandés dans le traitement symptomatique de la constipation chronique, la restauration d’une flore intestinale plus équilibrée semblant être bénéfique. La constipation opiniâtre et difficile à traiter qui fait partie des signes non moteurs de la maladie de Parkinson idiopathique (MPI) pourrait alors être une indication de ces probiotiques.
Les résultats d’un essai randomisé, mené à double insu contre placebo, semblent en tout cas le suggérer. Ont été inclus 72 patients atteints d’une MPI confirmée et associée à une constipation. Dans le groupe traité (n = 34), des probiotiques multisouches ont été administrés sous la forme de capsules, le placebo étant utilisé sous la même forme dans l’autre groupe (n = 38). La durée du traitement a été de quatre semaines. Le critère de jugement principal était le nombre moyen hebdomadaire de mouvements intestinaux spontanés, estimé au cours des deux dernières semaines de l’intervention et des deux semaines précédant celle-ci, l’évaluation reposant sur un journal tenu par chaque participant. Les critères secondaires étaient représentés par la consistance des selles, la sévérité de la constipation quantifiée par un score analogique et la qualité de vie en rapport avec cette dernière. La satisfaction du patient a été également prise en compte, cependant qu’un dosage de la calprotectine a été effectué pour évaluer l’inflammation intestinale.
Efficacité à court terme des probiotiques
Dans le groupe traité, le nombre moyen hebdomadaire de mouvements intestinaux spontanés a augmenté de manière significative de 1,0 ± 1,2, alors qu’il a diminué dans le groupe placebo de 0,3 ± 1,0, ce qui conduit à une différence intergroupe moyenne en valeur absolue de 1,3 (intervalle de confiance à 95 % 0,8-1,8, p < 0,001). Une amélioration significative a été également observée quant à la consistance des selles (p = 0,009) et la qualité de vie en rapport avec la constipation (p = 0,001). Par ailleurs, dans le groupe traité, 65,6 % des participants se sont déclarés satisfaits du traitement, versus 21,6 % dans le groupe placebo (p < 0,001). Un seul patient a dû interrompre les probiotiques en raison d’évènements indésirables sans gravité.
Les taux de calprotectine n’ont pas varié de manière significative au cours de l’étude, quel que soit le groupe.
Cet essai randomisé, mené à double insu contre placebo, illustre l’efficacité des probiotiques dans le traitement symptomatique de la constipation chronique du parkinsonien. Le bénéfice à court terme semble probable, encore que d’autres études soient nécessaires pour le confirmer et déterminer le rapport efficacité/acceptabilité des probiotiques sur le long terme.
Dr Giovanni Alzato
RÉFÉRENCE
Ai Huey Tan et coll. : Probiotics for Constipation in Parkinson Disease: A Randomized Placebo-Controlled Study. Neurology 2021 ;96(5):e772-e782. doi: 10.1212/WNL.0000000000010998.
25 août 2016 dans le JIM
La constipation peut-elle être un prodrome de la maladie de Parkinson ?
Les symptômes non moteurs de la maladie de Parkinson sont légion, qu’il s’agisse des troubles dépressifs ou cognitifs, de la dysphagie, de l’hypersalivation, des difficultés de la marche ou de l’insomnie, voire des hallucinations, pour ne citer que quelques exemples. Ces symptômes sont non spécifiques et il en est un particulièrement fréquent qui ne figure pas dans la liste précédente : c’est la constipation qui frapperait plus d’un parkinsonien sur deux. Certaines études d’observation suggèrent même que ce symptôme non moteur d’origine multifactorielle pourrait précéder de longue date l’installation ou le diagnostic de maladie de Parkinson, mais leurs résultats n’emportent pas la conviction, en raison de la multiplicité des facteurs de confusion, des biais et, souvent, de l’absence de groupes témoins.
Une revue systématique de la littérature médicale internationale a été menée selon les critères de MOOSE (Meta-analysis Of Observational Studies in Epidemiology), ce qui donne une idée de la nature des études incluses. Les bases de données classiques ont été consultées jusqu’en décembre 2014. Les articles ont été retenus en fonction de leur pertinence et de leur conformité aux critères précédents. Une condition a été impérativement requise : évaluation de la constipation au moyen d’un questionnaire structuré ou, à défaut, réalité du symptôme attestée par un codage spécifique dans les observations médicales, sous la forme du symptôme lui-même nommément cité ou de son traitement par laxatifs eux aussi clairement identifiés. Le diagnostic de maladie de Parkinson a reposé sur les données cliniques, là aussi affichées avec un maximum de rigueur.
Une association significative
Les données pertinentes ont été extraites au moyen d’un modèle standardisé et l’amplitude des associations a été estimée à l’aide d’un modèle à effets fixes. L’hétérogénéité a été, pour sa part, explorée avec le test I(2) classique. Au total, neuf études ont fait l’objet de la méta-analyse, ce qui correspond à un effectif de 741 593 participants, deux groupes étant constitués selon l’existence ou non d’une constipation.
La comparaison intergroupe a révélé une association significative entre ce symptôme et la survenue d’une maladie de Parkinson, l’odds ratio (OR) correspondant étant en effet estimé à 2,27 (intervalle de confiance à 95 %, IC, 2,09-2,46). L’hétérogénéité s’est avérée faible, avec un I(2) de 18,9 % (p = 0,282). Une analyse restreinte aux études qui ont pris en compte la constipation plus de 10 ans avant le diagnostic de Parkinson a conduit à un OR de 2,13 (IC, 1,78-2,56), avec un I(2) = 0,0 %.
Cette revue exhaustive de la littérature internationale et la méta-analyse qui en ressort suggère que la constipation pourrait constituer un prodrome de la maladie de Parkinson, étant entendu que cette notion ne saurait dépasser le stade de l’hypothèse, même s’il y a des chiffres à l’appui. Le fait que ce symptôme pourrait précéder le diagnostic de la maladie de plus de dix ans reste tout aussi hypothétique, mais par rapport aux études d’observation isolées, la méta-analyse permet d’aller un peu plus loin, sans apporter pour autant un niveau de preuve nécessaire et suffisant, comme à l’ordinaire.
Dr Giovanni Alzato
RÉFÉRENCE
Adams-Carr KL et coll. : Constipation preceding Parkinson's disease: a systematic review and meta-analysis. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 2016; 87: 710-6.
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Date de dernière mise à jour : 25/08/2024
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