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Les risques des tatouages.

Un article du Journal International de Médecine du 4 juin 2024

Le tatouage pourrait être associé à une augmentation du risque de lymphome

 

Dr Roseline Peluchon | 04 Juin 2024

Le tatouage est longtemps resté une pratique limitée à certains groupes, comme les marins, la légion étrangère ou les bikers. Ce n’est plus du tout le cas actuellement : dans certains pays européens, 20 % de la population serait tatouée, et ce serait 30 % aux Etats-Unis. Le premier tatouage est souvent réalisé chez des personnes jeunes, ce qui implique une exposition à certains constituants chimiques de l’encre durant la presque totalité de la vie. 

Car les encres utilisées pour les tatouages ne sont peut-être pas inoffensives. Elles sont des cocktails de pigments organiques et non organiques, associés à des précurseurs et sous-produits issus de la synthèse de ces pigments, et à des additifs. Les encres colorées peuvent contenir des amines aromatiques primaires (AAP), les encres noires des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), et des métaux comme l’arsenic, le cobalt, le plomb et le nickel sont présents dans les encres quelle que soit leur couleur. Or, plusieurs produits chimiques contenus dans les encres de tatouage sont classés comme cancérigènes par l’agence internationale de recherche sur le cancer. 

Des ganglions lymphatiques pigmentés chez les personnes tatouées

Pendant le tatouage, l’encre est injectée dans le derme par les perforations répétées de la peau. Une partie de l’encre migre vers les ganglions lymphatiques locaux, à partir desquels est initiée une réponse immunitaire systémique. Il est estimé qu’après 6 semaines, 32 % du pigment injecté a ainsi migré. Des ganglions lymphatiques augmentés de volume et pigmentés ont été décrits chez des personnes tatouées depuis plusieurs dizaines d’années, avec des pigments colorés ou noirs, ainsi que des dépôts de particules métalliques.

Interpelée par l’augmentation de l’incidence des lymphomes en parallèle avec la mode des tatouages, une équipe suédoise a cherché à déterminer s’il existait un lien de cause à effet entre ces deux éléments. Une étude de type cas-témoin a été menée sur tous les sujets âgés de 20 à 60 ans chez lesquels avait été diagnostiqué un lymphome malin en Suède entre 2007 et 2017, soit près de 12 000 personnes. Un questionnaire leur était adressé pour vérifier si elles étaient tatouées ou non, questionnaire auquel 54 % des personnes atteintes de lymphome ont répondu (n = 1 398) et 47 % des témoins (n = 4 193). 

Un risque 21 % plus élevé

Les données montrent que la prévalence du tatouage est de 21 % parmi les personnes atteintes de lymphome, et de 18 % parmi les sujets témoins (risque ajusté 1,21 ; 95 % CI 0,99 à 1,48). Le risque est supérieur chez les personnes dont le tatouage date de moins de 2 ans au moment du diagnostic de lymphome (RRa 1,81 ; 1,03 à 3,20), puis diminue et semble à nouveau augmenter quand le tatouage date de plus de 11 ans (RRa 1,19 ; 0,94 à 1,50). 

Il n’est pas mis en évidence de lien entre le risque de lymphome et la surface corporelle totale recouverte. Il n’est pas non plus mis en évidence de différence de risque selon que le tatouage est noir ou en couleur. Le traitement au laser, utilisé pour faire disparaître les tatouages semble associé à une augmentation importante du risque, mais le nombre de personnes concernées est insuffisant pour en tirer des conclusions.

Enfin, deux types de lymphomes semblent plus concernés : les lymphomes diffus à grandes cellules B (RRa 1,30 ; 0,99 à 1,71) et les lymphomes folliculaires (RRa 1,29 ; 0,92 à 1,82). 

Rappelons toutefois qu’un lien de causalité ne peut être affirmé à partir d’une étude épidémiologique. D’autres travaux seront donc nécessaires et, selon les auteurs, l’accroissement de la popularité de la pratique du tatouage implique une certaine urgence. 

Date de dernière mise à jour : 29/06/2024

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