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EUTHANASIE EN FRANCE

Un article du Journal International de Médecine du 4 octobre 2024.

Mourir face à l’amer

Quentin Haroche | 04 Octobre 2024

Ile de Ré – Emporté par la maladie de Charcot la semaine dernière, le militant pro-euthanasie Loïc Résibois a documenté ses derniers mois de vie pour sensibiliser l’opinion publique.

Le combat a pris fin le 24 septembre pour Loïc Résibois. Un combat perdu d’avance face à la maladie de Charcot, ou sclérose latérale amyotrophique (SLA), affliction pour le moment incurable qui touche entre 5 000 et 7 000 personnes en France. Lorsqu’il a reçu le diagnostic en septembre 2022, ce policier de 45 ans savait bien qu’aucun espoir n’était permis et que la maladie l’emporterait en quelque années.

Alors l’ancien membre des renseignements généraux, pourtant pas forcément un grand fan du militantisme (il a notamment surveillé le député LFI François Ruffin) a décidé de s’engager dans un combat parallèle, gagnable cette fois : celui pour la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie en France.

C’est en juin 2023 que Loïc Résibois commence à médiatiser sa maladie et à utiliser son drame personnel pour tenter de faire bouger la législation. Il publie alors une vidéo dans laquelle il interpelle le Président de la République Emmanuel Macron, le gouvernement et les députés pour dénoncer « l’injustice de ne pouvoir demander à mourir en France dans la dignité ». A l’époque, la convention citoyenne pour la fin de vie vient de se prononcer en faveur de la légalisation de l’aide à mourir et Loïc Résibois se met à espérer qu’il pourra mourir comme il le souhaite dans son pays.

« J’en veux beaucoup à Emmanuel Macron »

Un an plus tard, le 18 juin dernier, l’ancien policier devenu militant reçoit les journalistes de France info dans sa maison de l’île de Ré. Il a décidé de leur faire partager son dernier été. La maladie l’a rattrapé : alité, il ne peut désormais plus se déplacer qu’en chaise roulante, a du mal à parler et ne peut plus tenir un stylo. Il vient tout juste de recevoir le coup de grâce : une semaine plus tôt, Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée Nationale, mettant fin à tous ses espoirs d’une adoption rapide du projet de loi sur la fin de vie.

« Avec le projet de loi sur la fin de vie, j’avais retrouvé une forme de sérénité » explique-t-il aux journalistes. « Tout est retombé comme un soufflé et j’ai perdu l’espoir de bénéficier d’une aide à mourir. J’en veux beaucoup à Emmanuel Macron, qui nous a sacrifié sur l’autel de ses manœuvres politiciennes ».

Ce dernier été commence pourtant plutôt bien. Le mourant n’a pas peur de le dire : il est un homme « heureux ». « La maladie est un incroyable exhausteur de goût » confie l’ancien policier qui dit « mesurer chaque chose positive qui m’arrive ». Au bord de l’abîme, Loic Résibois redécouvre les plaisirs simples de sa vie : passer du temps avec sa famille, aller à la plage, se baigner grâce un fauteuil roulant de baignade, regarder un match de tennis, lui le grand fan de Roger Federer et Stanislas Wawrinka.

Mais la maladie le rattrape bien vite. Début août, il manque de mourir étouffé par un grain de riz qu’il a avalé de travers. Il comprend alors qu’il n’est même plus capable de tousser. Il a de plus en plus de mal à respirer, à parler. Il arrive alors au « point de bascule ». « Ce moment est arrivé pour moi, c’est à la fois un moment que j’accueille et que j’accepte avec tristesse, mais aussi une forme de soulagement, car je suis fatigué de vivre depuis des mois avec cette maladie » confie-t-il à France info le 30 août dernier.

« Il a pu mourir heureux »

Quelle solution pour mourir malgré tout dans la dignité ? Partir en Suisse ou en Belgique comme certains malades ? Loïc Résibois s’y refuse. Réaliser une euthanasie clandestine ? Son épouse avait trouvé un médecin pour le faire, mais le praticien s’est finalement ravisé. Reste la sédation profonde continue, forme d’euthanasie passive autorisée depuis 2016. Loïc Résibois trouve la solution « hypocrite » mais c’est la moins pire. Après avoir dû batailler face aux réticences du corps médical, qui ne le trouve pas encore assez affaibli, il trouve finalement une équipe qui accepte de réaliser l’opération à son domicile.

En attendant l’ultime moment, Loïc Résibois multiplie les vidéos sur Instagram, participe à un reportage sur France 2, toujours pour sensibiliser le plus grand monde à la SLA, à la fin de vie et à l’aide à mourir. Après une « tournée d’adieux » avec ses amis, qui lui a notamment permis de se réconcilier avec un fils avec lequel il était brouillé, la sédation profonde est réalisée le 24 septembre. « Loïc est parti tout en douceur, grâce à un médecin et deux infirmières formidables. Il a reçu de la morphine et il est parti comme ça, rapidement, sans souffrir. Inespéré, il a pu mourir heureux » témoigne son épouse. 

Coïncidence, le député de l’île de Ré, où Loïc Résibois s’est éteint après avoir vu la mer une dernière fois, est un certain Olivier Falorni. Ce militant de longue date de l’aide à mourir a déposé une proposition de loi reprenant le projet de loi avorté sur la fin de vie, proposition qui a été signée par plus de 180 parlementaires. Une manière de permettre à Loïc Résibois de gagner son combat d’outre-tombe.

 

Date de dernière mise à jour : 05/10/2024

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