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Merci Dr Foldès

Merci Dr Foldès - un article du JIM du 7 février 2025

Un grand gaillard obsédé par un petit organe

 

Quentin Haroche | 07 Février 2025

Depuis 40 ans, le Dr Pierre Foldes a opéré des milliers de femmes victimes d’excision via une technique qu’il a lui-même mis au point.

C’est un collage de photos assez hétéroclites. Mère Thérèsa et Gandhi d’un côté côtoient des enfants mutilés et des mines anti personnelles. Comme si le Dr Pierre Foldes, qui affiche ces photographies dans son bureau de l’Institut en santé génésique de Saint-Germain-en-Laye, voulait se rappeler de tout ce que l’humanité pouvait faire de plus beau et de plus terrible.

Depuis 40 ans, ce chirurgien urologue qui se qualifie de « médecin militant » et d’ « homme féministe » tente justement de faire triompher le beau sur l’horrible en réparant les femmes victimes de mutilations génitales et plus particulièrement d’excision.

Rien ne prédestinait pourtant Pierre Foldes, né en 1951 dans une famille bourgeoise, à passer le plus clair de son temps à prendre en charge des femmes immigrés africaines et à parcourir le monde pour sensibiliser les populations à la question de l’excision.

Son père voulait qu’il soit ingénieur, par défi il choisit la médecine. Une fois son doctorat en poche, l’idée de passer ses journées en consultations, à multiplier les ordonnances et à vivre bourgeoisement ne l’enchante guère. 

Réparer sans juger

Nous sommes alors à la fin des années 1970, l’époque des « French doctors », de la naissance de Médecins sans frontières (MSF) et de l’essor de l’humanitaire. D’origine bretonne, le Dr Foldes prend le large. Il part au Liban, en pleine guerre civile, puis à Calcutta, où il travaille pendant plusieurs années dans l’un des mouroirs de Mère Thérèsa.

« Elle m’a tout appris, c’est une sainte » explique le chirurgien, qui n’est pourtant pas mystique pour un sou. « Elle avait une capacité incroyable à entrer en communication avec celui qui allait mourir, par les mains, les yeux, avec une sensualité étonnante ». De ce travail avec la religieuse, il a surtout retenu « l’importance de ne jamais baisser les bras, de ne pas désespérer quand on côtoie l’extrême ». 

Mais le grand tournant de la vie du Dr Foldes survient au début des années 1980 lorsque, lors d’une mission humanitaire au Burkina Faso, il découvre les ravages de l’excision, une pratique bien ancrée dans les traditions de nombreux pays africains. Le chirurgien se refuse pourtant à tout jugement de valeur.

« En tant qu'homme, je suis mal placé pour juger de ce genre de tradition mais en tant que médecin, je suis à même de comprendre les dangers de ces pratiques » expliquait-il il y a quelques années dans une interview accordé à Libération. 

Le Dr Foldes met alors rapidement au point une technique de réparation du clitoris des femmes mutilées, qui consiste à enlever la portion cicatricielle et à reconstruire le clitoris en extériorisant la partie profonde non touchée par la mutilation. Il ouvre un premier centre de chirurgie réparatrice du clitoris en 1990, dans lequel il opérera plusieurs milliers de femmes, jusqu’à cinquante par mois à ses plus belles heures.

En 2004, il obtient que l’opération qu’il a mise au point soit prise en charge par l’Assurance Maladie en France, une première dans le monde. En 2012, son travail est pleinement reconnu par une étude rétrospective qu’il publie dans The Lancet et qui constate l’efficacité de son travail : la quasi-totalité des patientes qu’il opère ne souffre plus et plus d’un tiers parviennent à retrouver du plaisir clitoridien.

L’homme qui répare les femmes

Le plaisir sexuel de la femme et le clitoris deviennent les préoccupations du Dr Foldes. Un organe qui n’existait quasiment pas avant qu’il s’y intéresse : au début de ses études, il avait constaté qu’il n’existait pas une seule étude publiée sur le clitoris contre plus de 10 000 sur le pénis ! En 2009, il réalise, en partenariat, avec le Dr Odile Buisson les toutes premières échographies du clitoris et du point G.

« C'était dingue de voir ce gros costaud de 1,87 m, plein de muscles, venir me proposer de réaliser une échographie du clitoris. Alors que moi, en tant que femme, je n'y avais jamais pensé » se rappelle la gynécologue.« Il y a quelque chose dans ce don de soi que je n'arrive pas à piger » poursuit-elle.« C'est héroïque ou névrotique ».

En parallèle, le Dr Foldes comprend que l’immigration africaine a en quelque sorte importé l’excision en France. En partenariat avec la militante féministe Frédérique Martz, il ouvre donc en 2014 l’Institut en santé génésique de Saint-Germain-En-Laye, qui se propose de prendre en charge les femmes victimes d’excision, mais plus globalement de venir en aide à toutes les femmes victimes de violence. 

Selon une étude de 2023, plus de 7 % des femmes âgées de 18 à 45 ans vivant en Seine-Saint-Denis ont été excisées et on compterait environ 140 000 femmes excisées en France, la grande majorité en Ile-de-France.

A l’occasion de la journée de lutte contre les mutilations génitales féminines ce jeudi, la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé a présenté un nouveau plan de lutte contre « une barbarie qui n’a que trop duré sous couvert de coutumes ». Selon la ministre, 7 000 mineures vivant en France sont menacées d’excision. 

Du haut de ses 73 ans, le Dr Foldes continue lui son inlassable combat féministe. « Je tente de ne pas me comporter en macho primaire, au travail comme dans le privé » racontait dans Libération il y a quelques années cet infatigable féministe. 

« Même si je ne peux pas m’empêcher de regarder une belle paire de jambes » ajoutait-il en riant sans craindre la réprobation woke. 

 

Date de dernière mise à jour : 27/02/2025

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