KAMALA... la gauche américaine ?
Un article sur le site ATLANTICO ce 25 juillet 2024
Je l'ai copié/cllé pour vous :
Kamala Harris multiplie les meetings avant la convention démocrate après le retrait de Joe Biden.
Future présidente des Etats-Unis ?
Kamala Harris ou la gauche radicale américaine à la Maison Blanche ?
La vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, qui pourrait être investie lors de la convention démocrate en août prochain pour défier Donald Trump, est-elle une idéologue d’extrême gauche ?
avecGérald OlivieretJean Degert
Atlantico : En quoi est-ce que Kamala Harris symbolise le retour de la gauche radicale en cas d’accession à la Maison Blanche en matière d’immigration, du contrôle des armes à feu, du changement climatique ou des politiques de santé ?
Gérald Olivier : Il ne s’agit pas d’un « retour ». La gauche radicale est au pouvoir aux Etats-Unis depuis 2021, comme elle l’avait été sous Obama de 2009 à 2017. Joe Biden avait fait campagne au centre, officiellement pour unifier et apaiser le pays en dénonçant le chaos des années Trump. Mais il a gouverné à l’extrême gauche dès le début de son mandat. Une ligne qui a toujours été celle de Kamala Harris.
Elle est favorable à la décriminalisation de l’immigration clandestine et souhaite offrir aux immigrants illégaux présents aux Etats-Unis un chemin vers la citoyenneté.
Elle veut imposer une interdiction des armes semi-automatiques sur tout le territoire fédéral. En 2020, après la mort de George Floyd elle avait pris le parti des émeutiers, levant des fonds pour leur défense et appelant à ne plus financer les forces de police (« defund the police »).
Elle soutient la « nouvelle donne verte », c’est à dire le programme des écologistes pour la transition énergétique et l’abandon des fuels fossiles. Elle est opposée à la pratique du « fracking », la fracturation hydraulique, qui permet d’extraire des hydrocarbures de la roche. Alors que cette pratique a produit un boom énergétique aux Etats-Unis et engendré des emplois par milliers, notamment dans des régions pauvres du pays, sans autres ressources.
En matière de santé elle est favorable à une nationalisation de l’assurance santé, vieille rengaine de l’extrême gauche américaine, l’aile de Bernie Sanders, que même Barack Obama n’avait pas osé envisager et que Joe Biden rejette.
Kamala Harris se revendique « progressiste » et elle est à l’avant-garde de la radicalité aussi bien sur les questions de société, notamment les mots d’ordre « DEI » (Diversité, Equité, Inclusion) que sur les questions économiques. Elle est par exemple favorable à une taxation très lourde du capital, et une politique budgétaire de redistribution, quitte à augmenter le déficit et la dette et par conséquent favoriser l’inflation.
Jean Degert : Lors des précédentes campagnes, Kamala Harris était favorable à l’investissement de 10.000 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. Dans le cadre du Green New Deal, Biden ne souhaitait mettre que 2.000 milliards sur la table. Elle a soutenu la réforme de la santé via le plan Medicare All, un texte qui revient régulièrement devant le Congrès des États-Unis. Avec Alexandria Ocasio-Cortez, elle avait tenté de faire voter par les deux chambres le projet de loi sur les Equity Act en 2019 et en 2020 alors qu'elle était parmi les candidates pour la vice-présidence. Ce texte n'a pas été adopté. Il prévoyait la création d'un bureau de responsabilité pour la justice climatique et environnementale. Ce dispositif devait obliger le gouvernement à prendre en compte l'impact des questions environnementales sur les communautés à faibles revenus, les minorités, les latinos, les noirs, les Américains d'origine indienne. Kamala Harris associe donc la justice raciale et la justice climatique. Joe Biden est plus centriste. Mais il a pu être influencé dans certains domaines et sur certains sujets par Kamala Harris.
Son passé en tant que procureure progressiste témoigne-t-il de la radicalité de Kamala Harris ? N’a-t-elle pas créé un fonds de caution pour les émeutiers en 2020 et n’a-t-elle pas soutenu deux propositions en Californie qui exacerbaient la criminalité et rendaient incroyablement difficile la tâche des forces de l'ordre pour mettre fin à la criminalité ?
Gérald Olivier : Son bilan de procureur est contradictoire. Tous les procureurs promettent d’être « durs avec les criminels » (« tough on crime ») pour se faire élire. Même en Californie. C’est ce qu’il faut dire, parce que les électeurs veulent pouvoir se sentir en sécurité. Une fois en place les choses peuvent changer. Kamala Harris fut procureur du comté de San Francisco, pendant sept ans puis procureur de l’Etat de Californie jusqu’en 2016. Elle se définit aujourd’hui comme une « procureur progressiste », pour se concilier l’aile gauche du parti. En fonction, elle s’était distinguée pour son opposition à la peine de mort (toujours en vigueur en Californie). Après le meurtre d’un policier par le membre d’un gang, elle refusa de requérir la peine de mort contre le meurtrier. Elle milita aussi pour une réforme de la justice pénale, visant à ce que les crimes sans effusion de sang ne soient pas sanctionné par une incarcération. En matière de trafic de drogue, elle poursuivit près mille sept-cents individus, tout en soutenant que « personne ne devrait aller en prison pour avoir fumé de la marijuana. »
En fait comme beaucoup de progressistes aux Etats-Unis, elle considère que la justice américaine a longtemps été l’auxiliaire légal du racisme systémique propre à la société et qu’elle s’est ainsi rendue coupable d’injustices multiples à l’égard des Noirs et des minorités.
Jean Degert : En 2019, Kamala Harris avait renoncé à se présenter avant les primaires démocrates dans la course à la Maison Blanche. Elle était à 3 % dans les sondages. Même chez les démocrates, il y a un vrai rejet envers Kamala Harris. Bernie Sanders, à l’époque, était plus populaire qu'elle. Elle n'inspire pas confiance. Kamala Harris a souvent changé d’opinion et retourné sa veste en politique. Beaucoup de démocrates ne veulent pas voter pour des positions d'extrême gauche. Kamala Harris est socialiste en réalité. Les démocrates ne font pas confiance à Kamala Harris.
Concernant les violences policières, le Minnesota Freedom Fund, un fonds de caution avait été créé en 2016. Mais Kamala Harris l'a mis sur le devant de la scène en 2020, après la mort de George Floyd lors des émeutes et des violences. L’action de Kamala Harris a permis de récolter 440 millions de dollars en 2020 à travers ce mécanisme. Ce dispositif a eu pour conséquence de libérer des criminels violents des prisons. Le but de ce dispositif était initialement de sortir de prison des personnes qui étaient en attente de leur jugement. Dans les faits, un assassin a été libéré et a récidivé en tuant quelqu’un avec un couteau. Dans un autre cas, un violeur avait enlevé une femme.
Par rapport à la police, son passé et son rôle de procureur du district de San Francisco est assez ambigu. Après l’assassinat d’un policier par un jeune membre d'un gang, Kamala Harris s’était opposée à la peine de mort. Elle a néanmoins condamné le criminel à la prison à vie sans possibilité de sortie. Dix ans plus tard, lorsqu’un tribunal fédéral a suspendu la peine de mort dans une affaire, Kamala Harris s’y est opposée et souhaitait que cet autre criminel soit executé. Kamala Harris a donc pu agir en fonction du vent.
Y a-t-il un danger pour la démocratie américaine en cas d’accession au pouvoir de Kamala Harris ? N’est-elle pas plus à gauche que Joe Biden ?
Gérald Olivier : Depuis l’élection de Joe Biden les Etats-Unis vivent trois révolutions. Une révolution économique engendrée par la transition énergétique et une révolution culturelle à travers l’influence du « wokisme ». Ainsi qu’une révolution sociologique et démographique à travers l’immigration clandestine massive. Ces trois révolutions sont une menace non pas contre la démocratie mais contre l’expérimentation américaine. Les Etats-Unis restent une utopie qui n’a vécu que deux siècles et demi. Les politiques menées depuis quatre ans, dont certaines trouvent leurs racines dans une demi-siècle d’évolution sociales menacent la pérennité de cette utopie. La société se divise, voire se disloque, les institutions sont fragilisées, les citoyens font de moins en moins confiance à leurs élus, et 75% des Américains pensent que le pays va dans la mauvaise direction. Si Kamala Harris venait à être élue, son administration en ferait qu’exacerber ces maux.
Jean Degert : Kamala Harris est plus à gauche que Joe Biden. Mais elle a aussi été très mouvante et fluctuante dans ses prises de positions et de décisions. Par le passé, en tant que procureure, elle a pu être très complaisante envers la police. Elle a refusé qu'il y ait des enquêtes sur des fusillades impliquant des policiers. Mais si les citoyens demandent plus de laxisme, Kamala Harris sera alors plus laxiste.
Elle était opposée à la légalisation de la marijuana. Mais en 2020, elle a finalement changé d’avis et s’est déclarée favorable à la légalisation. Joe Biden était beaucoup plus constant, même s'il a un peu dérivé vers la gauche durant sa présidence. Mais toute la politique de Joe Biden est assez centriste.
Kamala Harris a pu prendre des positions centristes comme des positions d'extrême gauche. Cela dépend du public qui est face à elle.
La société américaine pourrait-elle basculer encore plus dans les dérives des mouvements décoloniaux, du wokisme, ou de Black lives matter ? Ces mouvements pourraient-ils progresser et s’intensifier sous la présidence de Kamala Harris ?
Gérald Olivier : Ces groupuscules sont fondamentalement des mouvements radicaux qui veulent détruire l’ordre établi. Ils ne reflètent pas l’état d’esprit de la société, ni dans sa majorité et encore moins dans son ensemble. Ce sont des groupes de pression qui servent à mettre en avant les revendications les plus extrêmes et à banaliser ces revendications, ainsi qu’à effectuer un chantage à la violence sur les autorités. Ce sont les bras armés officieux de la gauche et des mouvements identitaires d’inspiration ethnique ou sexuelle. Dans le cas d’une élection de Kamala Harris à la présidence, ils se feraient, je pense, discrets, sachant que leur agenda est en train d’être mis en place par l’administration. C’est là le paradoxe de leur action. Il a été très peu question de BLM depuis l’arrivé de Joe Biden à la Maison Blanche. Les Antifas ont été très peu actifs, parce qu’ils sont d’accord avec la politique de l’administration Biden. C’est au contraire si Donald Trump était élu que ces mouvements se signaleraient à nouveau et notamment par des actions violentes, dont le premier prétexte pourrait être une supposée sauvegarde de la démocratie, alors qu’eux-mêmes sont totalement anti-démocratique dans leur essence et dans leur fonctionnement.
La France est en permanence confrontée à ce paradoxe. Quand la gauche gouverne, l’extrême gauche se tient coi. Au contraire, si la droite arrive au pouvoir, les extrémistes de gauche descendent dans la rue et instaurent le chaos et pour stopper toute velléité de réforme antiprogressiste.
Date de dernière mise à jour : 25/07/2024
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