PATRICK LE HYARIC
12 novembre 2024
The New Colossus
Poème d'Emma Lazarus sur la statue de la Liberté
Le Nouveau Colosse
Pas comme ce géant d’airain de la renommée grecque
Dont le talon conquérant enjambait les mers
Ici, aux portes du soleil couchant, battues par les flots se tiendra
Une femme puissante avec une torche, dont la flamme
Est l’éclair emprisonné, et son nom est
Mère des Exilés. Son flambeau
Rougeoie la bienvenue au monde entier ; son doux regard couvre
Le port relié par des ponts suspendus qui encadre les cités jumelles.
"Garde, Vieux Monde, tes fastes d’un autre âge !" proclame-t-elle
De ses lèvres closes. "Donne-moi tes pauvres, tes exténués,
Tes masses innombrables aspirant à vivre libres,
Le rebus de tes rivages surpeuplés,
Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte
Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or !"
Ce poème est sur le socle de la Statue de la Liberté à New-York sur Liberty Island depuis 1903. "The New Colossus", d'Emma Lazarus. Il pourrait être un manifeste anti-Trump.
Trump n’est pas un accident
La réélection de Donald Trump à la tête des États-Unis s’inscrit dans un mouvement mondial où la montée des mouvements nationalistes réactionnaires répond comme un boomerang à la mondialisation capitaliste et financière ainsi qu’au prétendu « doux commerce » qui ne profitent en rien aux classes populaires.
Aux Etats-Unis, celles-ci, harassées, ont majoritairement voté Trump en toute connaissance de cause après l’avoir déjà expérimenté. Après l’avoir bien écouté et entendu ses discours et son projet politique, elles lui ont donné tous les leviers de commande institutionnels.
Le journaliste du Washington Post Marc Fisher résume ainsi l’expression des citoyens nord-américains : « Nous souffrons. Nous ne voyons aucun avenir pour nos enfants. Nous voterons pour quiconque amplifiera le signal d’alarme, même si nous savons qu’il n’est pas vraiment fait pour le poste, même si nous ne pouvons-nous attendre à ce qu’il améliore les choses[1]. »
Dans un pays où le débat ne porte que sur des variantes de la mise en œuvre des projets du grand capital, les citoyens ont rejeté massivement l’un de ses promoteurs, le Parti démocrate. Ils l’ont fait d’autant plus aisément que Kamala Harris, croyant battre son adversaire en l’imitant, a troqué ses engagements initiaux de mettre fin à la spéculation sur les prix, d’améliorer le système de santé et d’encadrer l’industrie pharmaceutique contre un programme plus favorable aux grandes entreprises.
Une coulée de renoncements dans un contexte, où « le pouvoir de vivre » des familles populaires se dégrade, sans services publics, sans sécurité sociale, avec de grandes difficultés à accéder à la santé et à l’éducation.
Convaincre les plus exploités de défendre le système qui les opprime
Le travailleur états-unien est de plus en plus placé en situation de précarité sociale et économique alors que les écarts de richesses sont vertigineux et les indices boursiers en explosion régulière. S’engageant dans un boulevard pavé de contestations, de peurs et de frustrations, Trump, aidé des potentats du capital, a trituré, à coups de mensonges et de grossièretés, l’angoisse des classes populaires. Étai solide des puissances industrielles, du numérique et de la finance, il est parvenu à convaincre les plus modestes, les plus exploités et méprisés par le système qu’une menace existentielle pesait sur eux avec l’immigration, les projets de transition environnementale et ce que l’élite bourgeoise du monde entier qualifie de « wokisme » comme un étendard abstrait en remplacement de la peur du « communisme ».
Paradoxe : le candidat républicain, accessoirement milliardaire de son état, s’est présenté comme celui qui allait donner de la fierté aux classes laborieuses. Dans une campagne entremêlant sexisme et racisme, triomphe du suprémacisme blanc, il aura réussi à agréger sur son nom d’importantes fractions de la bourgeoisie capitaliste, des secteurs entiers de couches moyennes en voie de déclassement et une classe ouvrière rurale et des banlieues laminée par la désindustrialisation et les profondes mutations qu’impose le capital contre le travail. Un cap a été en outre franchi : le vote Trump s’avérant capable d’engranger des voix issues des minorités afro-américaines et latino adhérant à un discours machiste et xénophobe. Notons que M. Bardella propose cette même orientation stratégique dans son livre récemment paru.
L’affirmation d’un national-capitalisme
Il ne s’agit pas ici d’une simple réélection avec le même programme. À la différence de sa campagne de 2016, Trump aura cultivé – notamment avec les milliardaires de la Silicon Valley, au premier rang desquels Elon Musk – un imaginaire entremêlé de puissance retrouvée dans lequel se combinent les promesses de domination de l’espace surement pour le privatiser, de sonde spatiale et d’une vie extraterrestre, de transhumanisme, de finance globalisée -y compris avec le bitcoin -dont chacun toucherait sa part, à un électorat de plus en plus méfiant à l’égard du gouvernement voire même de l’État, gavé de haine contre la culture progressiste, alimenté aux résistances au progrès par les sectes et les églises obscurantiste, ainsi que de l’expulsion des immigrés.
Comme tous les nationalismes réactionnaires, la droite extrême états-unienne n’a cessé de réaffirmer la nécessité de la concurrence entre individus et la valorisation du mérite, tout en axant sa propagande sur l’impossibilité d’assimilation au sein de la société d’individus ou familles aux patronymes, croyances ou lieux de naissance considérés comme extérieurs à la culture majoritaire ou au territoire national. Ce nationalisme de repli réactionnaire fait croire à ceux qui n’en peuvent plus des souffrances et de la mal vie que la résolution de leurs problèmes passe par la fuite en avant dans l’individualisme au sein d’un ethno-nationalisme-capitaliste agressif.
L’échec et la responsabilité majeure de Joe Biden
La politique internationale de Biden les a plutôt confortés dans leur choix.
En effet, depuis quatre ans l’administration démocrate a poursuivi en grande partie ce qu’avait commencé Trump : tensions et propagande antichinoise et protectionnisme vis-à-vis de la Chine, protectionnisme industriel, énergétique et agricole à l’égard de larges partie du monde, alors que d’autres parties subissent le pillage des ressources notamment les métaux rares pour la nouvelle industrie, financement massif du grand capital industriel, spatial sur fonds publics et par création monétaire, rapatriement de productions, prédominance du dollar finançant une partie des déficits américains même si la dette publique ne cesse d’augmenter. Tout ceci sera désormais amplifié, avec les partisans de la confrontation avec La Chine au gouvernement, des hausses des tarifs douaniers qui renforceront la guerre économique alors que les Etats-Unis vont se projeter partout dans le monde.
A ceci s’ajoute deux facteurs : D’abord une large partie du peuple américain, républicain comme démocrate a considéré que Biden avait été incapable d’empêcher l’agression russe contre l’Ukraine avec pour conséquence directe l’augmentation des budgets militaires contre les besoins sociaux. C’est ici que l’argumentaire de Donald Trump à l’égard de la Russie et de Poutine a reçu un large écho.
D’autre part, à force de jouer sur plusieurs registres au Moyen Orient tout en fournissant de plus en plus d’armement au gouvernement israélien, la diplomatie Biden est considérée comme en échec, particulièrement par une grande partie des élites alors que de nombreux électeurs démocrates contestant le projet colonialiste Israélien se sont démobilisés.
« Project 2025 » : diluer l’État dans le grand capital
Ceux qui s’évertuent à réduire Trump à sa caricature, à ses tweets et à ses grossièretés se voilent malgré eux la face sur une politique cohérente, mûrement réfléchie et pouvant être rapidement opérationnelle : elle est toute contenue dans le programme « Project 2025[2] ». C’est un véritable manuel de la contre révolution sociale. Ce dernier vise à unir toutes les nuances de la droite conservatrice et de l’extrême droite, des groupes religieux ultraconservateurs soutenus par la majeure partie des puissances industrielle et numérique états-uniennes.
Ce texte gros de 900 pages comprend toutes les propositions rétrogrades et ultraréactionnaires dans des domaines comme les migrations, les droits sexuels ou le climat et la volonté de mettre l’Etat au service exclusif du capital et, de tout, faire marchandise. Ce programme propose de démanteler plusieurs ministères, des agences fédérales, de licencier des agents publics, de contrôler et d’affaiblir la justice et de soumettre l’État nord-américain à une diète telle que les grandes entreprises privées, les banques et les marchés financiers n’auraient plus aucun obstacle pour pomper l’intégralité des richesses issues du travail alors que travailleuses et travailleurs seraient privés de tout service public. C’est à cette tâche que va se consacrer Elon Musk dans le gouvernement que compose Trump.
Il s’agit d’un projet d’accélération réactionnaire pour tenter de donner un nouveau souffle au capitalisme états-unien, chef de file du capitalisme occidental, dont la prééminence sur le monde est de plus en plus mise à mal. Le grand capital considère qu’il lui faut désormais construire une nouvelle alliance politique incluant une partie importante des dominés et des exploités pour obtenir une adhésion massive à une nouvelle version du capitalisme : un national-capitalisme fusionnant ou diluant l’État dans le grand capital tout en dominant l’économie mondiale dans les grands segments du numérique, de la pharmacie, de l’armement.
En même temps l’asservissement de ses arrière-cours en Amérique latine, au Moyen-Orient, dans le Pacifique se poursuivrait, quand l’Union européenne continuerait d’être laminée et l’hégémonie du dollar dans les échanges mondiaux tout comme l’extraterritorialité du droit nord-américain préservés.
Un basculement réactionnaire tel qu’il finirait par déchiqueter les droits sociaux, les droits démocratiques et humains tout en jetant définitivement par-dessus bord le droit international dont celui qui s’ébauchait avec les grandes conventions de l’ONU pour les droits des femmes ou l’environnement et le climat. Kevin Roberts, un temps pressenti chef de cabinet à la Maison-Blanche et co-rédacteur du « Project 2025 », a qualifié cette stratégie de « deuxième révolution américaine » qui se déroulerait « sans effusion de sang, si la gauche le permet ». Il convient de prendre la mesure de la charge de tels propos.
Cette voie est non seulement celle de guerres économiques renforcées, mais aussi celle de l’élargissement de guerres militaires pour l’énergie et les minerais rares alimentant les nouvelles technologies industrielles très profitable pour leurs propriétaires.
L’Union Européenne atlantiste en crise et le regain des extrêmes droites européennes
Le retour de D. Trump à la présidence survient dans un contexte où l’intégration européenne alignée sur le projet « euro-atlantique » connaît une profonde crise. Le continent est également secoué par ce renouveau des droites extrémisées et de l’extrême droite qui jouent désormais un rôle dans les institutions européennes, y compris au sein de la Commission. Et, coïncidence inquiétante, les deux principaux pays à l’origine du marché commun – la France et l’Allemagne – connaissent des crises institutionnelles sérieuses qui chaque jour fournissent du carburant frais à la chaudière de l’extrême droite.
La politique des sanctions contre la Russie ne profite qu’aux États-Unis. L’industrie européenne, particulièrement allemande, souffre d’un coût plus élevé de l’énergie au profit des exportations nord-américaines de pétrole et de gaz de schiste. En concurrence avec la Chine, les industriels états-uniens veulent occuper le marché de la voiture électrique. Celle-là même que les familles populaires ne peuvent acheter et qui sert de fer de lance à la critique de toute transition écologique. D’énormes plans de licenciement sont en préparation des deux côtés de la frontière du Rhin. Les difficultés risque d’être largement amplifié, pour les familles populaires, avec le renforcement de l’austérité au nom de « déficits » qui se creusent à mesure qu’augmentent les aides publiques au capital et la demande des Etats-Unis de financer plus de dépenses militaires, pour plus d’engagement en défense de l’Ukraine, au lieu de chercher une stratégie de paix.
Une autre voie, un processus communiste, s’impose
Voilà qui pourrait encore conforter l’extrême droite si les forces de gauche et les forces sociales progressistes ne cultivent pas mieux leur unité avec l’outil qu’elles ont su créer avec le Nouveau Front populaire qui doit être encore plus et mieux en osmose avec les mouvements sociaux qui vont se développer. L’unité des forces progressistes et démocratiques pour la justice, la démocratie, l’environnement et la paix se pose aujourd’hui avec plus de force encore.
L’expérience montre que ce n’est ni un populisme de type nouveau ni un projet d’adaptation au capitalisme qui permettront de combattre le nationalisme montant. Les points de bascule en cours nous obligent à ne plus raisonner à partir du développement d’une croissance productiviste pour un inégal partage des richesses. La social-démocratie ne cesse de se fracasser sur cette adaptation au capitalisme et se mue en social-libéralisme. Et l’échec du soviétisme, faute de se ressourcer au marxisme authentique, faute de méconnaitre la démocratie comme moyen de toute transformation sociale a également douché bien des espoirs. Cela ne signifie pourtant pas que les peuples soient condamné dans les faux choix et de se voir enserré dans les bras d’acier de l’extrême droite.
Une autre voie s’impose donc pour éviter le pire. Le combat contre le grand capital et sa béquille qu’est l’extrême droite met à l’ordre du jour un débat et des actions pour un unitaire processus communiste, non comme horizon lointain mais comme objet d’un travail immédiat et quotidien.
Donner sens au bien commun et à l’émancipation
L’une des leçons des élections états-uniennes doit conduire à ne pas négliger la capacité des forces de la réaction et du protofascisme à se réinventer et à agréger une partie des classes populaires à un projet au service du capitalisme le plus barbare, encore plus aliénant pour le peuple travailleur.
On trouve déjà de nombreuses bribes du programme de Trump dans la bouche et les projets de plusieurs de nos actuels ministres du gouvernement Barnier. On le trouve abondamment dans les textes et les votes de l’extrême droite à l’Assemblée nationale.
Dans un tel contexte, le travail politique pour l’unité populaire dans l’action doit être considérablement renforcé, particulièrement sur les lieux de travail. Il conviendrait d’articuler de manière indissociable justice sociale, droit au travail, progrès environnemental et bond en avant de la démocratie. Démocratie dans la cité et surtout association des travailleuses et des travailleurs dans un processus de lutte pour gagner le pouvoir sur la production, la création monétaire et le contenu du travail.
C’est en donnant sens au bien commun et à l’émancipation, tout en tenant compte des multiples contradictions qu’ensemence la réaction, que les forces démocratiques et de progrès humain seront utiles au peuple qui cherche la voie d’un « mieux vivre » quand ce n’est pas la recherche immédiate du respect et d’un « pouvoir de vivre ».
12 novembre 2024
[1] Washingtonpost.com/opinions/2024/11/06/trump-win-dc-rebuilding-solutions/
[2] Projet élaboré par la Heritage Foundation, think tank néoconservateur créé dans les années 1970 pour soutenir la candidature de Ronald Reagan à la présidence des États-Unis.
La lettre du 8 juillet 2023 au sujet du meurtre de Nahel et des violences urbaines.
21 octobre 2024
HOME
Personne ne quitte sa maison
A moins d’habiter dans la gueule d’un requin
Tu ne t’enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s’enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge
L’enfant avec qui tu as été à l’école
Celui qui t’a embrassé à perdre haleine
Derrière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta maison ne te permet plus de rester.
Personne ne quitte sa maison
A moins que sa maison ne le chasse
Le feu sous les pieds
Le sang qui bouillonne dans le ventre
Tu n’y avais jamais pensé
Jusqu’à sentir les menaces brulantes de la lame
Contre ton cou
Et même alors tu conservais l’hymne national
A portée de souffle
Ce n’est que quand tu as déchiré ton passeport
Dans les toilettes d’un aéroport
En t’étranglant à chaque bouchée de papier
Que tu as su que tu ne reviendrais plus.
Il faut que tu comprennes,
Que personne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre
Personne ne brule ses paumes
Suspendu à un train
Accroché sous un wagon
Personne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d’un camion
Avec rien à bouffer que du papier journal
A moins que chaque kilomètre parcouru
Compte plus qu’un simple voyage.
Personne ne rampe sous des barrières
Personne ne veut être battu
Ni recevoir de la pitié
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu
Qui laissent ton corps brisé
Ni la prison
Mais la prison est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et un seul garde
Dans la nuit
C’est mieux que tout un camion
De types qui ressemblent à ton père
Personne ne peut le supporter
Personne ne peut digérer ça
Aucune peau n’est assez tannée pour ça
Alors tous les :
A la porte les réfugiés noirs
Sales immigrants
Demandeurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays
Nègres mendiants
Qui sentent le bizarre
Et le sauvage
Ils ont foutu la merde dans leur propre pays
Et maintenant ils veulent
Foutre en l’air le notre
Tous ces mots-là
Ces regards haineux
Ils nous glissent dessus
Parce que leurs coups
Sont beaucoup plus doux
Que de se faire arracher un membre.
Ou les mots sont plus tendres
Que quatorze types entre tes jambes
Et les insultes sont plus faciles
A avaler
Que les gravats
Que les morceaux d’os
Que ton corps d’enfant
Mis en pièces.
Je veux rentrer à la maison
Mais ma maison est la gueule d’un requin
Ma maison est le canon d’un fusil
Et personne ne voudrait quitter sa maison
A moins d’en être chassé jusqu’au rivage
A moins que ta propre maison te dise
Cours plus vite
Laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta survie importe plus que tout.
Personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille
Pars
Fuis moi
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Vaut mieux qu’ici.
HOME est un poème de Warsan Shire jeune femme d’origine Somalienne.
Le migrant, est une personne humaine
Non-content de fuir souffrances, famines, guerres, bouleversements climatiques, violations des libertés élémentaires et fondamentales, le migrant est devenu l’otage de la basse politique en eaux troubles qui inonde le continent européen.
Subrepticement, il était présent sous la table du dernier Conseil européen, alors qu’il fait déjà l’objet d’un pacte « asile-immigration » qui ne pourra être mise en œuvre que d’ici deux ans.
Concomitamment, le Premier ministre de la France accompagné de son sinistre ministre de l'Intérieur se précipitait à la frontière franco-italienne pour serrer la main de deux ministres de la coalition d’extrême droite italienne afin de bien faire comprendre qu’il n’existait plus de frontière entre la droite et l’extrême droite. Un combat commun contre les immigrés, les étrangers, les exilés les réunit.
Ceux-ci viennent de faire tomber une pile de dossiers posée sur le bureau de ce ministre de l'Intérieur afin qu’on ne parle que du « migrant » alors que les décrets de la loi le concernant votée à la fin du printemps ne sont toujours pas publiés.
La migrante , le migrant sont l’objet de toutes les vociférations, de toutes les insinuations, de toutes les accusations. Dans les médias bollorisés, il occupe le temps de commentateurs patentés pour être livré à la vindicte publique. Il est l’objet du fiel des propos tordus des droites et des extrêmes droites.
Migrant ! Ce mot est devenu une abstraction langagière destinée à effrayer les foules - elles-mêmes aux prises avec des fins de mois toujours plus difficiles - par un pouvoir qui s’apprête à les spolier encore avec des augmentations d’impôts indirects, alors que les services publics sont mis en friche et asséchés.
Migrant ! ce mot devenu l'antonyme de celui d’être humain dans les crachats des prpagateurs de haine..
Ils travaillent un imaginaire qui fait des êtres humains que nous croisons dans la rue, chez le commerçant, au bureau ou à l’usine, au guichet de la poste, dans le train ou au stade, non pas comme des travailleurs, des usagers du service public, des sportifs ou comme des enfants qui feront la France qui vient, mais comme des suspects « étranges étrangers » *.
À partir de là, il devient « normal » d’affaiblir sans cesse leur accès aux droits humains fondamentaux. Comme tout être humain pourtant nous habitons la même terre, nous partageons les mêmes défis à relever pour que notre planète commune soit durable et vivable. Nous avons donc tous les mêmes droits.
Pas seulement celui de la « charité choisie » pour celles et ceux qui ont la possibilité de trouver asile dans les pays où ils cherchent refuge pour fuir les persécutions, les bombardements ou les famines engendrées par les plans d’ajustement structurels du fonds monétaire international qui asphyxie les États du Sud. De ces maux, on ne dit mot. !
Pourtant, les capitalismes prédateurs exploitent la terre et les êtres humains là-bas comme ici, provoquent des dérèglements climatiques qui assèchent ou inondent alternativement champs et habitations, répandent des déluges de fer et de feu d’un matériel militaire de plus en plus sophistiqué pour mater des populations, piller leurs richesses, les coloniser tout en enrichissant un complexe militaro-industriel qui ne s’est pas si bien porté depuis longtemps. Personne n’en parle !
Si l’argent grillé dans cette course à la mort et à la destruction était utilisé pour la vie humaine et l’environnement, celles et ceux qui sont contraint de migrer pourraient construire leur cocon de bonheur là où ils sont nés.
Le migrant, la migrante n’est donc pas une femme ou un homme en fuite. C’est une personne poussée au déracinement. Le migrant n’est pas « illégal », il est soustrait au droit humain. Il n’est ni un clandestin, ni un profiteur, ni une vague, ni un appel d’air, ni une submersion, il est une personne humaine.
Réfugié-e-. Le mot interpelle. Alors que le qualificatif de « migrant » entretient tous les fantasmes, ouvre la porte à toutes les peurs, justifie les murs physiques, les glacis de pierre pour fortifier les banquises de l’esprit.
Le Migrant-Migrante transformé-es- tranformés tantôt en travailleurs –euses- « détachés », tantôt en travailleuses-eurs- « sans-papiers » faisait tourner nos usines automobiles,et nos mines, ramassent au petit matin les poubelles, nettoient les bureaux et les écoles quand la ville dors encore, creusent les tunnels du métro, et ont préparé les installations des villages olympiques sans que personne ne trouve le temps de les remercier.
Les maîtres ne remercient jamais. Ils exploitent, ils tirent la sueur et la fatigue de celles et ceux qu’ils considèrent dans les bavardages des dîners mondains comme des « parasites » qui au passage servent à faire accepter les rapports de domination du capital sur le travail.
Le maitre-capitaliste, celui qui en ce moment se démène tant contre le début d’un soupçon de justice fiscale considère qu’il peut acheter la force de travail d’un blanc comme d’un noir au prix qu’il fixe lui-même. Les plus-values qu’il en tire n’ont qu’une seule couleur : l’argent, l’argent qui brille, l’argent qui circule à la vitesse de la lumières, l’argent qui grossit les patrimoines et boursoufle les paradis fiscaux.
Ces maîtres, qui veulent nous faire bêler « j’aime ma boîte » réclament une immigration « choisie » corvéable, jetable, exploitable à merci. Une immigration utilitaire qui permet d’entretenir toujours plus la division et la concurrence des travailleurs et travailleues entre elles et entre eux pour peser sur les salaires de toutes et de tous, quelle que soit leur nationalité, leur religion, leur opinion.
L’incroyable sollicitude dont fait l’objet le migrant-réfugié a conduit des gouvernements successifs à produire trente-deux lois sur l’immigration et les étrangers depuis l’année 1980. L’empilement législatif est vertigineux depuis les textes fondateurs du Conseil National de la Résistance et de son gouvernement de 1945 : cent quinze modifications législatives. Oui, 115 modifications, sans compter les palanquées d’ordonnances, d’arrêtés, de circulaires, de décrets.
Une sédimentation législative qui s’est accélérée depuis 1970 afin d’entretenir un brûlant et abject débat autour de l’immigration. De bonnes âmes ont tenté d’expliquer qu’il s’agissait de contenir l’expansion de l’extrême droite. Or, celle-ci a progressée au fur et à mesure de l’amoncellement des textes. On ne combat pas un poison en reprenant sa composition mortifère.
Aujourd’hui, le réactionnaire ministre de l'Intérieur veut franchir un pas supplémentaire contre les droits humains et les principes initiaux de notre République : augmenter les expulsions, allonger la durée de rétention, restreindre le regroupement familial, remettre en cause le droit du sol et l’aide médicale d’État (AME), et passer un premier cran vers le principe de préférence nationale.
Ce ministre agit par conviction anti-démocratique et anti-républicaine avec l’assentiment du Premier ministre dans l’objectif d’obtenir la neutralité des députés d’extrême droite lors du vote du budget de la nation. Quel abject calcul.
Le migrant, la migrante, les réfugiés sont ainsi utilisés comme variable d’ajustement d’une politique antisociale et ultra réactionnaire cohérente s’écartant de plus en plus des fondements républicains.
À celles et ceux qui doutent. À celles et ceux qui croient parfois aux thèses des cultivateurs de fumier raciste, posons des questions simples : le migrant est-il responsable de la vente de la fabrication du Doliprane à un fond financier américain ? Le réfugié, est-il coupable des fermetures d’usines, des 65 000 faillites de petites entreprises en cours, du manque de médecins et de l’asphyxie de l’hôpital ? Migrants, réfugiés, exilés sont-ils les décisionnaires des 180 plans de licenciements en cours, du déchiquetage des services publics sur l’autel de l’austérité, des 1000 milliards de dettes publiques nouvelles créées depuis 2019 ? Sont-ils la cause de la fermeture de deux exploitations agricoles chaque jour ?
Non. Bien sûr que non !
La fuite en avant dans les idées et les discours méprisables, nauséabonds, déshonorants, sert à escamoter, à masquer les responsabilités d’un système qui divise et déshumanise sur tous les points du globe.
Voici que la proto-fasciste italienne qui gouverne l'Italie, Mme Meloni, vient de monter un palier dans l’escalier de l’abject. Elle veut renvoyer les réfugiés vers l’Albanie. Admiratifs, la plupart des dirigeants présents au Conseil européen ces jours derniers lui ont demandé son indigeste recette pour la copier. Après le Royaume-Uni qui veut renvoyer des immigrés au Rwanda, voici que les Pays-Bas qualifient l’Ouganda de « pays hospitalier » pour y expédier des demandeuses et demandeurs d’asile déboutés. Et notre ministre de l'Intérieur a évoqué l’Afghanistan. Le président polonais, que les médias s’évertuent à présenter comme « un modéré », demande à pouvoir suspendre le droit d’asile dans son pays.
La surenchère législative nationale et européenne sur l’immigration nous éloigne sans cesse de l’humanité : durcir, encore et toujours, les politiques migratoires et les politiques d’accueil, criminaliser les migrations sans jamais reconnaître qu’il s’agit d’un phénomène historiquement naturel ; en faisant fi des conventions internationales. Vers quels abîmes cela nous mène-t-il ?
Nier la contribution des migrations à l’histoire de France, revient à promouvoir un idéal de pureté identitaire et hexagonal mensonger : l’histoire des migrations est indissociable de l’histoire de France. Il n’y a pas « eux » et « nous », il y a une histoire commune. Il y a nos constructions communes de La France.
Nier. C’est oublier que la France n’est pas qu’un hexagone. Son histoire est marquée par la géométrie variable de son territoire : impériale, coloniale et décoloniale. N’a-t-elle pas avec d’autres pays européens des comptes à rendre aux peuples colonisés, spoliés, violentés ? Un devoir de réparation et de solidarité ?
Maintes fois redéfinis à travers les politiques de naturalisation et différentes déclinaisons du droit du sol, la notion même d’identité française ne peut être réduite à une vision, étroite, erronée et fantasmagorique.
La France n’est pas menacée par un désordre mondial à cause des migrations.
Ce sont ses dirigeants qui l’insèrent dans un bloc occidental capitaliste au détriment de ses travailleurs et de l’avenir de sa jeunesse, au lieu de cultiver la paix, la solidarité avec les peuples et les nations. Au lieu d’impulser des initiatives coopératives portant le développement humain partout sur la planète, la préservation de nos écosystèmes et du climat comme étendard. Une France qui penserait le monde à partir de notre commune humanité.
L’expérience guerrière de l’Europe devrait nous enseigner que lorsque dépérit l’humanité, le nationalisme destructeur se fortifie, fourbit ses armes et nous plonge dans le malheur.
Le désordre mondial ne trouve pas ses origines dans les migrations. Il naît des guerres militaires et des guerres économiques intra-capitalistes. Il grandit de la domination mondiale du capital sur le travail. Il prospère sur la concurrence forcenée, le pillage des matières premières et des richesses des pays du sud, les dérèglements climatiques, la juteuse course aux armements, la voracité des marchés financiers et leurs spéculations compétitives, l’accaparement des matières fossiles qui elle-même contribue aux dérèglements climatiques. Il grossit par la privation des souverainetés alimentaire et énergétique.
Autant d’éléments d’une stratégie de prédation qui pousse à l’exode, avec son lot de souffrances, de malheurs et de périlleux voyage s’achevant dans les flots de la Méditerranée ou dans les eaux glacées de la Manche.
Les responsables du malheur usent des pires venins pour détourner les regards de leurs responsabilités. Ils attisent la peur, cette ennemie de la raison.
Retenons l’enseignement d’Aimé Césaire : « La malédiction la plus commune est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte ».
Oui, croiser un migrant, c’est rencontrer une femme, un homme, un enfant. Il est urgent de reconstruire du NOUS. Nous avec eux. Eux, c’est nous ! Le migrant, la migrante, réfugié-e-, exilé-e- est un enrichissement humain.
21 octobre 2024
Un pas de plus pour la viande "artificielle". 7 juillet 2023
Un pas de plus vers la viande « artificielle »
Voici que deux entreprises basées en Californie, aux États-Unis, viennent de recevoir l’autorisation de l’agence de la sécurité alimentaire nord-américaine (FDA) de produire de la viande de poulets de laboratoire. Cette fabrication consiste à mettre en culture des cellules extraites d'animaux ou d’œufs de poule fertilisée dans des bioréacteurs, puis de les nourrir avec des nutriments comme des protéines, des graisses, des sucres, des minéraux et des vitamines. En faisant fermenter ces nutriments, les cellules se développent et le produit est par la suite « récolté » dans des cuves moulées, en forme de filet de poulet.
Ces entreprises apprenties sorcières, Good Meat ou Joinn Biologics, sont liées aux géants du numérique. Ainsi, le capitalisme nord-américain compte produire de la nourriture par-delà les cycles de la nature qu’il considère trop lents pour la rotation du capital et donc pour les profits. Évidemment, une telle manipulation, qui va agir sur l’alimentation et donc la santé humaine, est présentée parée de vert, comme un moyen de préserver l’environnement et d’éviter les souffrances animales.
Or, il s’agit surtout de préserver et d’augmenter les profits. D’autres entreprises s’activent pour la fabrication de la nourriture pour animaux de compagnie. Personne ne révèle pour l’instant le coût de production de tels aliments. Personne n’évalue non plus les coûts environnementaux de ces techniques et les déséquilibres territoriaux qu’elles portent en germe.
Pourtant, une étude récente de l’université de Californie, en débat chez d’autres scientifiques, montre que les phases de production de la viande artificielle nécessitent beaucoup d’énergie et émettent une grande quantité de gaz à effet de serre. Pour la santé, les territoires, l’emploi, la qualité alimentaire, défendons les petits et moyens éleveurs ! Pour l’humanité, restaurons le lien entre l’alimentation humaine avec le rythme et les cycles de la nature. C’est une sécurité pour l’avenir.
Patrick le Hyaric
1 juillet 2023 NAHEL
Nahel : 17 ans... Ce n’est pas un âge pour mourir
Tristesse ! Que dire ? Sécher ses larmes ? Serrer les poings ? Comment est-ce possible ? Nahel a été tué de sang-froid. Mourir ainsi à 17 ans abattus à bout portant par un policier. Mourir en laissant sa maman, ses proches pleurer des souvenirs, des moments partagés, mais surtout une possibilité de vie. Chaque jeune de France se dit : cela aurait pu être moi. Chaque maman se dit : cela aurait pu être mon fils.
À toutes celles et ceux qui se gargarisent avec le mot République, pour mieux balafrer ses idéaux, nous devons demander ce qui a été fait pour qu’il reste en vie. Partout, en France, on crie : justice ! Il y a bien un lien ténu entre la mise en œuvre de la loi de sécurité de 2017 portant sur l’utilisation des armes à feu par la police et son interprétation par la hiérarchie policière. Il y a le même lien ténu entre l’augmentation des « refus d’obtempérer » et l’augmentation continuelle du prix des assurances. Cela ne justifie pas qu’on tue. Les images ont obligé à voir une réalité. Elles ne montrent pas la menace que le refus d’obtempérer fait courir à deux policiers ni à autres personnes. Rien ne justifie qu’on meure d’une balle dans la poitrine à 17 ans. Absolument rien. Nous sommes aux côtés de sa maman, de ses proches. Nous sommes aux côtés du maire de Nanterre, des élus et de la population.
Ce drame ne relève d’aucune fatalité. Il discrédite l’État et ses forces dites de l’ordre alors qu’elles devraient être des « gardiens de la paix ». Au nom d’un ordre juste, les coups de menton ministériel promeuvent juste de l’ordre. De l’ordre dans une société où la majorité de la population n’en peut plus d’entendre les bruits de l’argent qui coule à flots à un petit pôle de la société, des scandales divers de corruption, les magouilles de toute sorte. Ces messieurs du haut ne parlent jamais du mur qui enferme les habitants des cités. Leur problème est le « mur de la dette » à rembourser. À qui ? Aux banques et aux fonds financiers qui se gavent du manque de services publics dans ces mêmes quartiers comme dans les campagnes. Cela fait des mois que l’on sent les tréfonds de la société bouillir. Aucune leçon n’a été tirée des résultats des élections municipales où la plupart des maires ont été élus… sans électeurs. Aucune leçon réelle des résultats des différents scrutins dans les quartiers populaires. Aucune leçon des conditions du confinement dans les quartiers populaires. Aucune leçon des mises n’en garde sur la violence des « contrôles policiers au faciès » le racisme et le mépris dont sont l’objet ces citoyens. Même l’ONU vient de déclarer ce vendredi que la France doit « s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme parme les forces de police. Oui, l’ONU.
Qu’ont-ils bien à faire les jeunes de ces quartiers discriminés des proclamations gouvernementales sur les « taux » de chômage quand eux sont assignés à résidence, discriminés et invités à devenir « ubérisé » en s’endettant pour longtemps. En ce moment même avec les constructions des équipements des Jeux olympiques s’accélèrent ce que l’on appelle la gentrification, c'est-à-dire l’accélération du déplacement des populations les plus en difficulté de ces quartiers par des catégories sociales plus aisées. Celles et ceux qui y habitent, parents et enfants, ouvriers, employé, étudiants, bref les premiers de corvée, celles et ceux que l’on croise de très bonnes heures dans les transports en commun n’auront pas accès à ces logements. Ils sont trop chers. Et que dire de la possibilité pour elles et eux de participer aux Jeux olympiques quand il faut presque deux mois de salaire pour disposer d’un billet ? Pourquoi, les habitants des « banlieues » ces lieux mis au ban de la grande ville et de la société n’ont-ils pas droit au beau.
Dire ceci n’est pas justifier les violences et les destructions de voitures des voisins, de services publics, de mairies, de dépôts de bus, les attaques de magasins pour voler. On croit s’en prendre à l’État ou à tout ce qui représente l’État. En fait, c’est à soi-même et à ses semblables qu’on fait mal, c’est sa voisine, son voisin, son cousin qu’on empêche d’aller au travail, voir qu’on met au chômage. Ces violences, se retournent toujours contre les populations les plus en difficulté, donnent prétexte au pouvoir de restreindre encore la démocratie.
L’apaisement et le dialogue dans les cités sont indispensables. Pour cela, la confrontation politique doit reprendre ses droits. Mais les autorités publiques doivent écouter, entendre et en tirer les conclusions pour améliorer réellement la vie des citoyens. Pas le énième « plan banlieue » mais le respect, l’égalité des droits, la fin du racisme et des discriminations, l’accès à l’école, la formation, la culture, le sport et à un travail intéressant correctement rémunéré, a un logement de qualité à un prix abordable.
Ce n’est pas le chemin que montre le pouvoir qui va jusqu'à interdire aux députés de voter une loi de recul de l’âge de la retraite. Loin de moi, l’idée de tout mélanger. Seulement l’épisode du coup de force pour imposer la loi des 64 mois a des conséquences sur les modes de « luttes » dans cette jeunesse et ses parents qui ne sont jamais écoutés. Mais on peut en dire de même des territoires ruraux, là où on s’est beaucoup mobilisé contre la loi des 64 ans, là où manquent tant de services publics, là où deux paysans se suicident en silence chaque jour. Qui porte contre eux, la violence ? Même le rapport commandé à Jean-Louis Borloo sur les banlieues a été jeté à la poubelle en direct à la télévision, pour des raisons politiciennes. Qui a donc soufflé sur les braises de l’incendie qui couvait depuis un long moment ? Et ce ne sont pas les déplacements ministériels ou de pseudo-réunion de crise sous l’œil des caméras qui ouvrent le chemin d’un renouveau du dialogue, de l’apaisement, de la construction d’une police proche et au service des habitants. Nahel, ce prénom qu’il ne faudra pas laisser s’enfouir dans l’oubli !
7 juin 2023
Que révèlent les attaques gouvernementales contre Justine Triet ?
Publié le
Mercredi 7 juin 2023
Patrick Le Hyaric
Justine Triet, Annie Ernaux, Blanche Gardin. Elles sont trois. Trois femmes, trois créatrices à subir les foudres de la bien-pensance réactionnaire et des gens de pouvoir. Toutes trois qui ont pour point commun de questionner, avec d’autres, la société et le système politique, d’oser émettre des critiques contre le néolibéralisme. Crime de lèse-système ! La France des Lumières et de l’exception culturelle n’a pas l’air de se sentir honorée par l’une de ses plus éminentes écrivaines Annie Ernaux, récipiendaire du prix Nobel de littérature, par Blanche Gardin, actrice et réalisatrice de talent engagée contre la pieuvre Amazon, ou par Justine Triet qui s’est vu décerner la dixième Palme d’or française au Festival de Cannes, sans que le président de la République n’ait daigné la féliciter. Son forfait : avoir critiqué la funeste loi des 64 ans et demander au pouvoir de ne pas céder d’un pouce sur l’exception culturelle.
Quand un pouvoir commence à se plaindre et à combattre des artistes et des écrivains qui participent au rayonnement du pays, il y a du souci à se faire. Ceux qui filment, écrivent, peignent, interprètent, parlent de l’intimité de nos vies, éclairent le monde ou aident à penser portent en avant la liberté et l’émancipation. Ces trois femmes ne font que s’insurger, avec des millions d’ouvriers et de travailleurs, contre le pervertissement par l’idéologie libérale de nos systèmes de santé, de retraite, d’éducation, de justice ou de culture.
Les tirs de barrage gouvernementaux contre Justine Triet qui a mis sur la place publique l’important sujet de la marchandisation de la culture en disent long, très long sur les manières d’appréhender les enjeux de la liberté de création et de la culture. Il lui a été notamment reproché de donner son opinion parce qu’elle aurait reçu «des aides publiques». Autrement dit, il est exigé d’une artiste qu’elle se taise sous peine de lui supprimer les aides publiques à la création. Quelle similitude avec la chasse aux classes populaires qui, nous serine-t-on, seraient coupables de fraude fiscale ou utiliseraient la prime de rentrée scolaire pour s’acheter des écrans plats !
En tout point, le climat que crée le pouvoir est particulièrement malsain et ensemence chaque jour un peu plus le populisme le plus réactionnaire en alimentant ouvertement un discours exécrable sur de prétendues «élites subventionnées».
Rétablissons les faits : la lauréate du Festival de Cannes a dit exactement le contraire de ce qu’on lui reproche. Elle a montré que le système français de financement du cinéma s’est avéré indispensable à la production de son film. Seulement, ce système n’a pas été inventé par l’actuel gouvernement et n’est certainement pas sa propriété. Il est le résultat de 70 années de lutte des artistes et des forces progressistes. En revanche, elle s’est à juste titre élevée contre «la marchandisation de la culture que ce gouvernement néolibéral défend».
Les attaques ministérielles contre l’artiste, finalement, ont comme un curieux goût d’aveu. Elle laisse entendre que l’industrie du cinéma, des réalisateurs aux producteurs, des distributeurs aux exploitants, est trop protégée. Le moment serait donc venu de s’inscrire dans la financiarisation générale des activités demandant de plus en plus de penser à la «rentabilité» d’un film, d’une œuvre d’art. Ces grands procureurs se gardent bien de dire que le financement du cinéma n’est pas le fait de l’argent public, mais de l’argent des spectateurs. Une part (10 %) du prix du billet d’entrée dans une salle de cinéma le finance, ce que l’on appelle la taxe additionnelle sur les entrées. Le Centre national du cinéma s’autoalimente presque en totalité à partir des bénéfices réalisés sur les films. Mais pour le pouvoir, c’est haro sur les artistes, et discrétion totale sur les milliards offerts aux grandes entreprises sans aucune contrepartie. Ils oublient aussi d’informer sur les emplois et les richesses que permet de créer le cinéma.
Faut-il conclure de tout cela, comme Justine Triet, qu’une offensive néolibérale se déploie contre la création et la culture ? Évidemment oui ! Les piliers économiques sur lesquels s’est bâtie l’exception culturelle française cinématographique ont permis une production abondante de films. Elle est aujourd’hui mise à mal de différentes manières : le laisser-faire vis-à-vis des grandes plateformes nord-américaines comme Netflix, Amazon ou Disney + contribue à vider les salles. En réduisant le nombre de spectateurs, on réduit automatiquement le financement du cinéma français. Le gouvernement refuse de combattre ce phénomène. Il l’accompagne au contraire de connivence avec ces plateformes qui, évidemment, ne financent pas ou peu la création, le cinéma d’art et d’essai et peuvent se permettre de ne pas payer leurs impôts en France. Et quand ils financent la création, comme Netflix, c’est au prix d’un chantage éhonté pour gagner des positions dominantes dans l’ensemble de la filière.
Ceci conduit à assécher les moyens essentiels du financement et à remettre en cause le préfinancement des films par les télévisions françaises en échange d’une diffusion quelques mois plus tard de ces mêmes œuvres. Ce que l’on appelle la «chronologie des médias», que les grandes plateformes remettent en cause en diffusant immédiatement des films au détriment des salles de cinéma et des chaînes de télévision. Poursuivre dans cette voie revient à les laisser imposer leurs vues sur la nature de la création cinématographique au profit de films à grande audience au contenu normalisé par la culture anglo-saxonne. Voilà ce qu’a dénoncé Blanche Gardin. Et voilà ce qui déplaît aux tenants du capitalisme mondialisé. Demain, il deviendrait impossible de conserver le modèle original qui a permis de pré financé «Anatomie d’une chute», le film qui reçoit aujourd’hui la palme d’or, co-financé par France Télévisions pour la moitié dans le cadre d’une coproduction, et pour l’autre moitié avec pré-achat de diffusion. Avec ce modèle, la chaîne de télévision publique ne sera pas perdante. Ajoutons que la décision de supprimer la redevance audiovisuelle réduit encore les moyens pour la création cinématographique originale. Il faut une sacrée dose de culot pour en appeler à “poursuivre notre œuvre de bâtisseurs”, comme l’a déclaré mardi le président au Mont-Saint-Michel, alors qu’il ne cesse de faire œuvre de destruction. Le cri d’alarme de Justine Triet et de bien d’autres acteurs et réalisateurs est donc tout à fait justifié.
Nous sommes entrés dans un moment inquiétant ou le pouvoir, non-content d’exiger des artistes le silence, bâillonne le Parlement, poursuit les militants syndicaux, violents des manifestants. Instiller l’idée que culture et élites participeraient du même moule, vise à séparer la culture du peuple en faisant oublier que l’immense majorité des artistes ont un quotidien précaire. Au-delà, c’est vouloir empêcher toute solidarité entre les citoyens, les travailleurs et les créateurs. Un livre, un film, une exposition, une chanson, une création musicale pénètrent l’intimité des vies et modifient l’imaginaire de celles ou de celui qui y accèdent. De même, entretenir la confusion entre culture et distraction vise à rendre les gens… Distraits, justement, afin d’entretenir les logiques d’aliénation. La distraction occupe bien l’esprit, mais ne mène nulle part. Voilà pourquoi, la demande des puissants aux auteurs, musiciens, cinéastes, écrivains est de se mettre à l’écoute de «leurs clients». Les lecteurs deviendraient ainsi des consommateurs de livres. La création deviendrait ainsi de la créativité. Qu’on est ici loin de Louis Aragon pour qui «tout ce qui sert la culture sert l’humanité dans sa marche ascendante». «L’art doit être dangereux» avait proclamé Jack Ralite. Évidemment, les puissants ne l’acceptent pas. Ils considèrent que la liberté de création contagieuse au point qu’elle puisse contribuer à l’émergence d’une politique d’émancipation. La saillie du pouvoir contre Justine Triet intervient également dans un contexte ou des collectivités locales d’extrême droite et de droite réduisent les crédits publics aux associations, aux bourses du travail comme aux créations culturelles. Dans la région Rhône-Alpes, le président M. Wauquiez supprime les aides publiques à un théâtre parce que ces contenus ne lui plaisent pas. À Calais, la maire de droite en fait de même. Le monde de la culture et de la création ne peut être réduit au silence et pris en tenaille entre un pouvoir qui leur demande de se taire, et les multinationales ogresques. Que l’on songe au groupe Bolloré qui, en devenant propriétaire d’une bonne partie du secteur du livre, de la création cinématographique et de chaînes de télévision, de festivals et de catalogues de musiciens, choisit quelles œuvres seront éditées, quel film sera produit, quel musicien pourra être mis en avant. D’autres grands majors liés à des grands groupes financiers placent auteurs, chanteurs et musiciens sous leur domination jusqu’à devenir propriétaires des festivals. Aussi concurrents qu’associés avec les géants nord-américains du numérique, ils finiront d’écraser la diversité culturelle et de donner le coup de grâce à l’exception culturelle, qui n’est autre que le soutien public à la création et le gage de son indépendance des puissances d’argent. Oui l’exception culturelle est menacée. Il est du devoir de l’État de la protéger. Redoublons de vigilance et de soutien au monde de la création, car comme ne cessait de le répéter notre regretté Jack Ralite, «La culture se porte bien, pourvu qu’on la sauve !»
Date de dernière mise à jour : 16/11/2024
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